Le théâtre du Rond-Point laisse tomber la nuit sur scène pour un voyage en taxi à Londres. Au volant de sa Nissan, Philippe Torreton nous guide dans les rues à la rencontre de ces habitants un peu sombres. Montez à bord de la Bluebird, une bouleversante histoire d’amour déçue va naître sous votre regard.

Sous la caméra, la scène
Le projet pris forme au théâtre du Pont du Nord de Chalon-sur-Saône où la metteuse en scène Claire Devers, Philippe Torreton, Baptiste Dezerces, Serge Larivieire, Marie Reìmond (Molière de la révélation féminine en 2015) et Julie-Anne Roth donnent vie à des histoires de rencontres. Claire Devers, scénariste et réalisatrice est une habituée des plateaux de cinéma. Caméra d’or en 1986 pour « Noir et Blanc ». Pour la première fois, elle dirige des comédiens pour le théâtre où l’approche du jeu est différente. Pour son banc d’essai, elle choisit la première pièce du dramaturge britannique, Simon Stephens écrite en 1998.

Julien Piffaud

Le taxi, un endroit de confidence
Jimmy (Philippe Torreton) prend le volant de son taxi, une Nissan Bluebird et sillonne les rues sombres de Londres. Il transporte des insomniaques, noctambules, fêtards, travailleurs qui ouvrent leurs cœurs pour montrer leurs blessures. Le temps d’un trajet, les confidences se font en toute simplicité. Le conducteur aime écouter et accueille avec bienveillance ces paroles.

Les confessions font écho à sa propre vie et le plonge dans les souvenirs douloureux avec son épouse Clare (Julie-Anne Roth) qu’il n’a pas revue depuis cinq ans. Un évènement dramatique engendrant une séparation douloureuse. Les clients deviennent des étapes émotionnelles successives dans sa prise de décision de contacter celle qui avait partagé sa vie. Ce jour n’est pas un jour ordinaire. Il faut qu’il la revoit, lui parle et lui donne quelque chose.

Une mise en scène audacieuse 
Le passé cinématographique de la metteuse transparait à travers la présence de la vidéo. La voiture bouge, les clients ne sont pas forcément à l’intérieur de l’habitacle pour illustrer l’interaction. Mais souvent la vidéo se trouve sur scène. On filme de face, de derrière et avec des doubles plans qui se montre en projection sur un drap blanc et en direct. Les plans sur les échanges font références à des films. Et la lumière accompagne avec force l’ensemble. Une teinte souvent orangé qui me rappelle les lampadaires de rues, jouant avec les ombres. Les couleurs plus vives sont les plans des rues de Londres qui défilent pour nous signaler le fait que le véhicule se déplace. Le spectateur est emmené dans la course. Un choix assez ingénieux.

L’espace fermé va doucement s’ouvrir sur une voiture qui changera de place. On verra les techniciens, habillés de noir déplacer le véhicule. Trois comédiens (Baptiste Dezerces, Serge Larivieire et Marie Reìmond) vont interpréter au moins deux personnages chacun. Philippe Torreton est là et tient tout le spectacle à bout de bras pendant 2h00. Il n’a plus à prouver son talent sur scène, son parcours parle pour lui. Une présence et une force se dégage de son corps. Même les mots les plus simples prennent vie et deviennent une vérité. Lorsqu’il est au volant, il arrive même à nous faire croire qu’il échange des regards avec son passager tout en regardant la route. Il n’est plus un comédien, il est Jimmy. Les mots sonnent justes, forts et fusent. Et montrent leur puissance avec la scène finale avec Claire Devers, devenue une femme blessée, le coeur à vif.

Bluebird nous conduit sur les chemins de la souffrance où la rédemption est impossible. Certaines blessures ne peuvent jamais se refermer. Ce qui n’empêche pas de vouloir avancer et de vouloir encore croire que des lendemains meilleurs sont possible.

 

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