–      Toc Toc Toc..
–      Qui est là ?
–      C’est Eugène.
–      Eugène qui ?
–      Ben, Eugène Ionesco !
–      Oh, c’est aujourd’hui que j’avais rendez-vous avec l’absurde ?
–      Oui. Dépêchez-vous. La Cantatrice chauve nous attend.


Petits points décors 
Samedi soir, j’avais rendez-vous un peu particulier à l’Athénée. J’allais rencontrer « La Cantatrice chauve ». Une dame qui fête ces 67 ans de scène. Pour l’occasion le théâtre a proposé le spectacle avec la mise en scène crée par Jean-Luc Lagarce en 1991 avec les acteurs d’origine. Une mise en scène très particulière qui en surprendra plus d’un. D’ailleurs se sont les décors d’origine que l’on découvre sur le plateau. Quand la lumière éclaire la scène on voit une charmante petite maison avec un grand jardin vert, une barrière, la séparant de la rue, une balançoire, un ballon rouge, un tuyau d’arrosage et deux chaises. On pourrait presque se croire dans l’univers visuel de Jacques Tati. Les costumes sont eux aussi haut en couleurs. Les tailleurs identiques des femmes n’ont rien à envier à ceux de la reine d’Angleterre. Les hommes portent le même costume avec chaussures grises, cravate rouge sur une chemise jaune. La disparité morphologique renforce l’ensemble des dysfonctionnements des couples.


Et l’histoire dans tout cela ? 
Eugène Ionesco est arrivé à créer des histoires intemporelles. Il faut dire que bien souvent, elles n’ont ni queue ni tête ces histoires. C’est cela qui en fait la force. Et si on ne le savait pas avant de venir, on le sait quand on part. Pour la « Cantatrice chauve », on y parle ni de cantatrice, ni de personne chauve. C’est un nom de spectacle sans rapport, comme René Magritte avec le nom de ces toiles. On va à la rencontre d’un couple, dans la banlieue de Londres. Il est 21h00. Ils attendent d’autres gens. Ils ont mangé de la soupe‚ du poisson‚ des pommes de terre au lard et de la salade anglaise. Puis les gens arrivent et des échanges encore plus étranges qu’avant vont se faire. Puis intervient la bonne, Mary et un pompier. On se charrie, on se provoque, on se parle, on se fait des blagues. On saute du coq à l’âne et de l’âne au coq.

« Madame Smith : Tiens, il est neuf heures. Nous avons mangé de la soupe, du poisson, des pommes de terre au lard, de la salade anglaise. Les enfants ont bu de l’eau anglaise. Nous avons bien mangé, ce soir. C’est parce que nous habitons dans les environs de Londres et que notre nom est Smith. »


Absurde, vous avez dit absurde ? 
Puis très vite, tout part dans tous les sens et on salue la venue du non-sens. Je tombe alors dans un tourbillon de loufoquerie qui ne s’arrête jamais. Les décors chutent. Le public monte sur scène. On parle de cacatoès. Il faut se laisser aller, emporter par l’étrangeté et on rit tout simplement. Qu’importe l’histoire, le moment de folie est là et il n’attend que nous pour prendre vie. Jean-Louis Grinfeld, Mireille Herbstmeyer, Olivier Achard, Emmanuelle Brunschwig, Marie-Paul Sirvent et François Berreur, incarnent à merveilles ces curieuses personnes, pince-sans-rire et pourtant attachants. Ils quitteront même un instant leurs personnages principaux pour discuter directement avec le public. Il le provoque en le rendant partie prenante. Un parti pris du metteur en scène qui change la fin du texte. Il évoque les fins que l’auteur avait évoquées. La soubrette, avertit qu’on ne suit pas la mise en scène de Nicolas Bataille. Une mise en scène toujours visible au théâtre de la Huchette qui joue la pièce depuis 1957. J’adore ce choix qui a beaucoup mis de peps dans le spectacle.


Je vous invite à plonger dans l’univers au combien étrange et embarquant d’Eugène Ionesco avec à la barre, Jean-Luc Lagarce. Vous ferez un voyage en absurdie que vous ne risquez pas d’oublier.

 

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