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Lorsqu’on dit Racine, certains visages commencent à se crisper. Et cela empire lorsqu’on annonce Britannicus. Mais c’est parce qu’ils n’ont pas vu l’incroyable adaptation à la Comédie Française de Stéphane Braunschweig. Parce que s’ils l’avaient vu, c’est un sourire pleins d’admiration qui serait. Mais pourquoi? 

Que raconte cette pièce? 
On pourrait croire que Britannicus est au coeur de l’histoire puisque c’est son prénom que porte le livre. C’est une victime collatérale de la lutte sans merci que se livre sa mère, Agrippine et son frère, Néron pour diriger Rome. Il va être au coeur d’une autre lutte avec son demi-frère Néron pour la possession de la belle Junie. Les deux hommes sont tombés amoureux de la demoiselle et l’empereur veut la prendre pour épouse dès qu’il aura répudié celle qu’il a. Il n’aime pas cette dernière et elle ne lui donne pas d’héritier. Sauf que Junie partage les sentiments de Britannicus. L’amour peut-il triompher du mal? Le doute persiste et les confidents Narcisse, Burrhus et Albine vont changer l’histoire en influençant leurs maîtres. 

Comment est la mise en scène? 
Pour rendre cette quête de pouvoir actuel, le metteur en scène Stéphane Braunschweig a décidé de placer l’histoire dans un lieu du pouvoir contemporain. Les portes et les fenêtres semblent écraser les occupants qui sont face à une destinée bien compliquée. L’avant-scène est occupée par une salle de réunion froide et impersonnelle avec une très grande table et des fauteuils chromés. Il n’y a pas besoin de se charger d’artifice pour montrer la violence glacée qui y règne. 
Dans le fond de scène, des portes apparaissent et disparaissent à la hauteur des secrets et des complots qui se trament dans le palais de Néron. Il faut toujours être au courant de tout lorsqu’on est au pouvoir et ne pas hésiter à franchir des limites. 

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Le metteur scène choisit aussi cette neutralité dans les costumes de comédiens avec pardessus ou costumes noirs et chemises blanches. Aucune couleur ne viendra teinté cette tragédie. 

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Il y un petit élément qui m’a quand même gêné. C’est la transition entre les actes avec la descente d’un rideau avec des effets visuels et sonores. J’ai trouvé que cela coupait l’élan de l’histoire de façon un peu brutale qui demandait de se reconnecter dans le moment. 

Sinon, mon moment préféré est l’échange entre Agrippine et Néron à la suite de la mort de Britannicus. Ils parlent de l’horreur de ce meurtre horrible et en fond, derrière un filtre, le corps torse nu de l’homme sur un fauteuil. Une scène que j’ai trouvé touchante et profonde qui met vraiment en exergue la folie qui touche le pouvoir. 

Qui sont les personnes derrières les personnages? 
Dominique Blanc, pour son premier rôle comme pensionnaire du Français incarne une femme de pourvoir. Agrippine, soeur de Caligula, un maillon de la généalogie de la violence. Elle veut toutefois faire la paix et met au calme sa fureur. C’est avec un langage posé et réfléchit que son personnage va montrer sa complexité, sa lucidité et surtout sa grande intelligence. Cette comédienne nous montre une grande Agrippine.

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Laurent Stocker, qui est un de mes comédiens préférés de la Comédie Française montre à chaque pièce que je vois de lui l’étendue de son talent. Je l’ai trouvé extraordinaire dans ce Néron froid et odieux. Visage impassible, les émotions n’ont pas de place dans l’exercice du pouvoir même pour la famille, plutôt perçue comme de potentiels rivales. Il veut se libérer de l’emprise de sa mère et veut la haïr de ton son corps. Une partie se le refuse et pour éviter cela, il préfère l’éviter. Mais la rencontre est obligatoire. Agrippine connaît un peu l’influence qu’elle peut avoir sur lui. 

Néron : « Heureux ou malheureux, il suffit qu’on me craigne. »

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Stéphane Varupenne incarne avec douceur et sensibilité Britannicus Grand, fort, toujours avec sa barbe, il rend jaloux Néron ce qui lui vaut sa haine, alors qu’ils ont été élevés ensemble. Il se dégage quelque chose de fragile de ce comédien qui rend son personnage encore plus attachant. Surtout que la palette des émotions va être de rigueur car il va sentir le bonheur auprès de son aimé, Junie (Georgia Scalliet), la souffrance du fait qu’on lui retire son amour et la colère envers son frère qui veut la prendre pour épouse. Il va passer par toutes ces phases qui rappelle à quel point on est fragile lorsqu’on aime vraiment.

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Les rôles des trois conseillers, discrets et peu présents, vont influencer le destin. Hervé Pierre/Burrhus incarne l’homme qui a tout vu et vécu qui se veut donner les meilleurs conseils en toute honnêteté. D’ailleurs, il dira à Agrippine : « Ce n’est plus votre fils, c’est le maître du monde« . J’ai adoré le sérieux du personnage accentué avec la voie grave du comédien. C’est le seul qui va changer d’avis pour maintenir une paix au coeur du royaume. Car Benjamin Lavernhe/Narcisse, va être perfide et va manipuler l’empereur sans scrupule. Grand, léger, discret, on a envie de lui faire confiance et de lui ouvrir notre coeur. Le pauvre Britannicus va se prendre au jeu et va en perdre la vie. 

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Cette pièce de 1 800 alexandrins de Jean Racine mêle politique et psychologie. Le spectateur plonge dans un univers où la manipulation est maîtresse et où le malheur est roi. Empire ou entreprise, les rivalités et les traitrises sont là, un parallèle intéressant qui a donné tout son intérêt à cette pièce. Encore une fois la Comédie Française montre l’étendue de son talent et de sa virtuosité. 

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