Molière traverse le temps avec une aisance décontractée. Et pour qu’il parle mieux à un public plus jeune et dans l’air du temps, rien de tel que quelques adaptations. Aucun doute que cette cure lui fera de nouveaux adeptes.

Pour « Dom Juan ou le festin de pierre » Molière s’inspire d’un sujet de la commedia dell’arte. Elle est jouée pour la première fois le 15 février 1665 au Palais-Royal et rencontre un franc succès. Mais elle scandalise tout autant. Le texte est en prose et surtout ne respecte pas la règle des trois unités du théâtre classique (un temps, un lieu et une action). Sans omettre sa critique de l’influence de la religion et de son hypocrisie. Toutefois, son joli coeur malgré son aisance à manier les mots finira tout de même par aller en enfer. Pourtant son valet, Sganarelle a tout fait pour lui faire entendre raison.

Tigran Mekhitarian, passionné par Jean-Baptiste Poquelin, décide pour la troisième fois d’adapter une de ces créations. Après « Les Fourberies de Scapin » et « L’Avare », il décide de redonner un coup de jeune à ce manuscrit pour l’ancrée dans le présent. Le support originale est conservé et se complète d’éléments plus à la page. « Il n’y a rien d’égal au petit joint ». Un beau gosse qui séduit des demoiselles pour coucher avec elle reste un sujet très contemporain Une fois le produit consommé, on le jette et on passe au suivant. On pourrait croire le récit indémodable même en laissant la dimension religieuse. C’est pour cela que ni les tenues de streetwear ni les insultes modernes ni le rap ne surprennent vraiment. Tout est très cohérent et très réfléchis.

Les décors sont des plus sommaires. En fallait-il vraiment plus? Une chaise, quelques fausses bougies et c’est bien assez. Théo Askolovitch, Arthur Gomez, Marie Mahé et Tigran Mekhitarian donnent de leur personne, de leur passion pour incarner leurs personnages. Ils sont les femmes outragés, le coureur de jupon, les moralistes, les familles blasphémées, le juge… Il y a bien assez d’actions pour occuper l’espace pour emporter le spectateur. Surtout qu’ils n’hésitent pas à occuper aussi la salle et même faire participer le public. Que d’audace au service d’une aventure théâtrale. Grâce à d’astucieux jeux de lumières, des projections et des compositions musicales dans l’air du temps, l’immersion est encore plus complète. Le temps passe à grande vitesse tellement on se sent bien avec ces artistes talentueux. Aucun doute que l’on suive ce qu’ils vont faire car cela sera avec plaisir qu’on les écoutera de nouveau.

Hardiesse et bravoure sont les termes qui caractérise cette prise de risque très payante. Molière était un homme visionnaire et c’est toujours le cas en 2022.

Où voir le spectacle? 
Au Lucernaire jusqu’au 4 décembre 2023

 

 

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