Derrière un simple animal se cache souvent bien des aventures. La morue n’échappe pas à cette règle. Frédéric Ferrer nous emmène à la découverte de ce poisson pas si ordinaire.
Frédéric Ferrer propose « De la morue », spectacle de sa série « La cartographie de l’anthropocène ». Après s’être intéresser au réchauffement climatique, le pôle Nord, les Vikings… il pose un regard critique et scientifique sur un poisson pas si ordinaire. Quand on évoque la morue, notre imaginaire se met en marche. Mais sait-on vraiment de quoi on parle? L’abus de langage est au rendez-vous pour définir une espèce très diversifiée. Il n’a pas attendu que l’humain débarque pour trouver sa place un peu partout. Néanmoins, ce dernier tente à la fois de le réguler par l’extermination et sa protection. Difficile de trouver le juste milieu pour un animal qui était en surpopulation à l’époque.
Le géographe, auteur, acteur, metteur en scène, comédien se propose en 1h00 de répondre à des questions cruciales sur la morue. Le philosophe vulgarisateur donne aux spectateurs de quoi rire et s’interroger. Il faut dire qu’il y a de la matière et les circonvolutions sont de mises. On pourrait croire qu’il n’y a pas de lien entre Alexandre Dumas et le cabillaud de Point-à-Pitre. Et pourtant, il y en a et plus d’un. Pour ça, il faut le talent et le savoir-faire de Frédéric Ferrer. Il arrive toujours à captiver grâce à sa maîtrise de son débit de parole et la qualité des informations. « On connaît l’histoire. La morue a façonné pendant plus de 5 siècles les paysages et la vie des êtres humains, alimenté un commerce triangulaire puissant, lancé l’économie-monde, fondé le libéralisme, permis l’indépendance et la montée en puissance des Etats-Unis et nourri les esprits et les ventres de millions d’êtres humains sur tous les continents. Mais la morue était trop belle… et fut victime de son succès. Ce poisson, emblématique de la folie destructrice de l’espèce humaine, est parti. La morue n’est plus là. Et maintenant les humains l’attendent… et désespèrent de son retour… Mais une morue peut-elle revenir ? La question est évidemment essentielle. »
Le petit animal cache plein de choses qui ne peuvent que nous émerveiller le temps de cette conférence. On ressort avec le cerveau en ébullition. L’Homme a détruit la morue et on se pose dorénavant la question, comment la faire revenir. On a pu établir les causes de la destruction et maintenant, on veut retrouver un marché financier rentable pour les pêcheurs. Sans surprise, les propositions des écologistes diffèrent des professionnels de la pêche. D’un côté, si au bout de 30 ans, elle n’est pas revenue, il faut se faire à l’idée. Et de l’autre, il faut tuer les phoques qui mangent des morues. Donc, la loi doit être modifié pour tuer librement ces animaux protégés et le présenter comme une bonne alternative au boeuf. Tout cela ne peut nous laisser insensible. Derrière la morue, se joue la vision de la société d’aujourd’hui et demain. Il est rare d’arriver à chambouler cérébralement tous les spectateurs sur un thème de base un peu simplet. Il suffit qu’on nous explique bien les choses pour changer notre regard et notre niveau d’acceptabilité.
On s’étonne d’avoir appris, compris et rit dans si peu de temps sur la morue. Et pourtant la frustration est bien présente puisque l’on a envie de découvrir toutes les autres cartographies qui pour la plupart ne sont plus jouées. Mais on garde en mémoire cette incroyable performance.
Où voir le spectacle?
Au théâtre de l’Atelier jusqu’au 19 juin 2024