Faire un cheminement afin de se connaître n’est jamais facile en soi. Il faut trouver le juste milieu entre ce que l’on ressent et la pression sociétale. Grâce à son travail introspectif, il sait qu’il est un être masculin pluriel.
On ne naît pas homme, on le devient, si on paraphrase Simone de Beauvoir. Ce n’est pas par hasard que la référence à l’autrice soit faîtes. Puisque le deuxième sexe est les femmes dont le premier doit être les hommes. Du moins, cela amène à se poser des questions d’où le sous-titre « la grosse arnaque de la virilité ». Comment se construire quand les bases sont biaisés? Mickaël Délis a eu la chance d’avoir des parents divorcés. Sa mère s’est occupée de l’élever avec son frère jumeau. Avec elle, la parole est libre et avec très peu de tabou. Sa médication en antidépresseur et anxiolytique lui permette de rendre le quotidien plus acceptable. Les tabous cela n’a jamais été son truc. Elle incite à être honnête et à laisser faire.
Sortir en portant un tutu tout en étant un garçon pourrait surprendre. La mère l’incite à faire ce que le coeur lui dit. Quand le frangin se met à faire des remarques désobligeantes. Il portera aussi un objet décalé, il faut expérimenter d’être le différent des autres. L’école de la vie, il n’y a rien de tel. Mickaël Délis est très vite confronté aux clichés machistes, virilistes, homophobes… Ne faut-il pas les intégrer pour faire partie d’un groupe social et de sa famille? Les provocations, les interpellations ne manquent pas. Que répondre? Qui veut être exclu?
Progressivement, il est confronté à des situations absurdes. Entre « tu te masturbes où? » et « tu nous ramènes quand une fille? », la posture à avoir n’est pas facile. Il se rend compte de l’impact du porno dégueulasse qui complexe ces prépubères sur la taille de leur sexe et de leur possible performance au lit. Fier comme un pan, il arrive à coucher avec une fille croyant faire des prouesses. Il ne reçoit pas de médaille pour ça. La déception est un peu au rendez-vous. Se prenant au jeu, en tenant des propos homophobes, il rentre dans un moule. Bien qu’on lui fasse toujours des remarques sur son physique efféminé. En réfléchissant à sa vie, il se rend compte qu’il n’est pas honnête avec lui et décide de se faire confiance.
Il raconte des choses personnelles dans le premier tome du triptyque très parlante sur le monde. On le suit avec une grande attention cette vie qui ne manque pas d’intérêt. Seul en scène, Mickaël Délis, se donne totalement avec sensibilité, fragilité et audace. Grâce à une chemise blanche, il devient une pléthore de personnages comme sa mère, omniprésente, des amis, le psy, un enseignant… L’objet se transforme en doudou, bébé, châle maternel, pull over, slip… Il use de son talent avec brio car il arrive à nous captiver, nous faire sourire, rire et réfléchir. L’humoriste ne veut pas s’adresser uniquement à ceux qui sont convaincus de la tolérance. Il porte un message humaniste pour bousculer avec délicatesse et savoir faire les certitudes des biais. On n’est pas la même personne lorsqu’on rentre dans la salle que lorsqu’on en sort. Combien de spectacles ont eu un tel impact sur les spectateurs?
Un jeu de l’intimité intense et sincère où tout à chacun pourra parfois se reconnaître. Etes-vous prêt pour la grande aventure d’être soi?
A la Scala jusqu’au 27 novembre 2024
13 Boulevard de Strasbourg
75010 Paris