Vous savez que vous méritez une augmentation et que votre boss ne vous donnera rien. La seule façon de faire est d’aller lui demander. Pourra t’il entendre votre requête? Le roman « L’art et la manière d’aborder son chef de service pour lui demander une augmentation » de Georges Perec ne se trouve pas dans le rayon des ressources humaines et encore moins dans le développement personnel. Pourtant savoir demander une augmentation est tout un art. Pourquoi ne pas s’approprier une question de société pour s’amuser? Georges Perec ne s’interdit absolument rien. Et en même temps, il serait étonnant qu’un oulipien se limite à quelque chose. Suite à une demande de la revue « L’enseignement programmé » en décembre 1968, il écrit ce long texte qui sera adapté par la suite au théâtre sous le titre de « L’augmentation ». Quand on lit le roman, on est curieux de voir son adaptation au théâtre. On se dit qu’il faut un sacré grain de folie pour adapter une oeuvre oulipienne assez loufoque. Par conséquent, il y a quelques modifications du texte pour le rendre un peu plus digeste. Toutefois on retrouve la forme du mode d’emploi avec des hypothèses. Votre chef est-il là? Il faut frapper à la porte de son bureau. S’il ne répond pas il faut l’attendre dans le couloir ou aller voir sa secrétaire. S’il est là et qu’il répond, il faut rentrer dans son bureau. Le système se répète de façon récurrente avec des digressions. Le chemin sera semé d’embûches. On aurait pu croire qu’on allait se lasser ou s’ennuyer. C’est tout le contraire qui se déroule.
Anne-Laure Liégeois a fait preuve d’audace pour la mise en scène. Un grand mur blanc qui recouvre toute la scène et au milieu une table avec derrière un homme et une femme. Au début, ils sont figés comme des mannequins de cire avec des perruques, des vêtements mals taillés, un maquillage exagéré… Rapidement, ils prennent vie et parlent lentement similaire à des robots. Cela semble cohérent par rapport à leur discours. Progressivement, ils deviennent des gens ordinaires jusqu’à atteindre la folie totale. Olivier Dutilloy et Anne Girouard incarnent parfaitement les salariés pleins d’espoir. Ils emportent tous les spectateur dans l’absurdité totale. Quel talent dans l’extravagance surtout dans la scène finale.
Les rires n’ont pas arrêté de monter en puissance au fur et à mesure. Et il y a de quoi. Surtout que cette situation de vouloir demander une augmentation, les tensions au boulot, les jeux de pouvoir parle à tout à chacun. Ne faut-il pas mieux en rire qu’en déprimer? Aucun considéré ce moment à la fois étrange, drôle et philosophique. Un spectacle qui rend hommage à l’Oulipo et rend les humains encore plus attachants qu’importe les obstacles. Comment ne pas être charmé d’un tel travail sachant cueillir les gens simplement et efficacement.
Une pièce jubilatoire et audacieuse qui sait mettre l’homme au coeur d’un système absurde bien trop réaliste.
Où voir le spectacle?
Au Théâtre 14 jusqu’au 21 janvier 2023