Sur ce grand espace maculé de blanc et de doré, une femme arrive. Droite, regard fixe, une bouteille de coca à la main, elle vient s’installer sur une chaise en plein centre. Que va t’elle nous raconter?
Il y a des spectacles où l’on a envie de raconter ce que l’on a ressenti progressivement. Mais avec « Sur la voie royale », c’est autre chose que l’on veut partager. Qu’importe vraiment le texte d’Elfriede Jelinek, car ici c’est assez secondaire. Attention, je ne dis pas qu’il manque d’intérêt ou autre jugement de valeur. Ce que l’on admire c’est la performance extraordinaire de Christèle Tual.
Seule en scène, elle incarne tous les personnages. Quoi de particulier me direz-vous? Assise sur sa chaise, qu’elle quitte assez peu, face au public, elle se métamorphose physiquement, psychiquement, mentalement… Pauline Legros, maquilleuse, coiffeuse et habilleuse vient avec des gestes précis, méticuleux et réfléchis changer l’apparence de la comédienne. Faux ongles, faux cils, perruques, costumes, rouge à lèvres… tout y passe pour toujours plus de vraisemblance. L’ensemble est réfléchi avec beaucoup de génie et d’ingéniosité.
Pendant ces modifications esthétiques, l’artiste continue de jouer comme si de ne rien n’était. Du moins, jusqu’à l’éclosion de son autre moi qui se fait de façon naturelle. Quel talent! Une fois qu’elle possède tous les artéfacts, elle est lui, elle est elle. Elle clame : « Nous n’avons pas d’autres monde à regarder », « la violence à une telle force », « rien n’est exacte, tout est vrai », « l’avenir n’aura jamais lieu »… Tout est dit avec ferveur, conviction et inspiration. Une prouesse époustouflante. Et pendant presque 2h00, elle tient le rythme l’air de rien avec sérieux et professionnalisme. L’auteure n’aurait pu rêver une meilleure interprétation servi aussi avec le travail de mise de scène audacieux de Ludovic Lagarde.
Un texte fort, bouleversant servi par un jeu incroyable de Christèle Tual.
Où voir le spectacle?
Théâtre 14 jusqu’au 22 octobre 2022