Comme chaque année, le jour de son anniversaire, Krapp fait le point. Il écoute des bandes de son passé et s’enregistre pour le futur. Un bilan pas si réjouissant au final car le temps s’enfuit en le laissant vieillir.

Samuel Beckett écrit une pièce de théâtre en un acte, « La dernière bande », qui sera joué pour la première fois en 1958. Depuis le seul en scène se joue aussi bien en France qu’en Grande Bretagne. Le rôle de Krapp ne peut être incarné par n’importe quel comédien. Jacques Osinski ne pouvait choisir que son compère de travail Denis Lavant pour incarner ce vieil homme. L’artiste a su montrer l’étendu de son talent, de la maîtrise de son corps, sa grande patience, cette façon de raconter des choses sans prononcer un seul mot. Une performance que le public sait reconnaître. Le personnage doit faire face au vestige de son passé où un instant il a connu l’amour, la jeunesse, le dynamisme… Maintenant que reste t’il à part sa carcasse avachie qu’il doit trimballer même pour boire juste un verre de vin? Même sa voix, celle qu’il enregistre n’est plus celle qu’il écoute. Comment lutter contre cette aigreur du destin?

Ce qui peut dérouter le spectateur, est la forme avec une grande économie de moyen. Pouvait-il en être autrement pour valoriser cet homme et créer une sensation d’isolement? On voit un bureau au centre du plateau face au public avec vue sur les tiroirs, sur lequel se trouve un magnétophone et des boîtes. Notre regard n’est pas en mesure d’aller ailleurs car une lumière directe entoure juste cet espace. Le comédien joue avec cette tension en cultivant le silence, ce regard franc droit et absent à la fois. En fond sonore, on entend au loin le chant de quelques oiseaux très discrètement. Le temps s’envole doucement rythmé par des mouvements répétitifs, des attitudes singulières qui amènent le public à rire parfois, de façon sincère. Cette bobine 3 de la boîte 5 remémore un ancien temps, si éloigné de cette sénilité qui commence à l’atteindre. Une image aussi du temps qui s’enfuit et qui nous met en regard à nos échecs, nos blessures, nos souffrances avec lesquels il faut vivre.

Une pièce forte et dense qui mérite que de chaleureux applaudissements.

Jusqu’au 25 juin 2022

Théâtre 14
20, avenue Marc Sangnier
75014 Paris

 

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