Alois Alzheimer va marquer le monde de son nom. Rien qu’à son évocation, il fait très peur. Deux frères décident de s’emparer de cette maladie qui les a touché de prêt pour en faire un spectacle.
Les messages sur le répondeur se succèdent et se ressemblent. C’est leur mère, elle a conscience que les souvenirs s’envolent et la mémoire s’efface. La famille doit faire face à cette état de détérioration progressive et irrévocable. Luc et François Jenny s’emparent du sujet pour en faire un spectacle de cette transition de vie pour l’ensemble des parties prenantes. Comment réagir face aux interrogations de sa mère d’autant plus quand elles sont récurrentes? Aussitôt la réponse entendue, aussitôt oubliée. Qu’importe les paroles prononcées, la culpabilité de l’interlocuteur reste là. A t’on le droit de s’amuser du désespoir? Le rire n’est-il pas la bonne technique pour se protéger de ce qui blesse? Le but n’est pas de rabaisser l’autre. Non. C’est donner un sens à l’inacceptable. Elle n’est plus vraiment la maman. Elle devient une autre qui mérite toujours autant d’amour. Les moments ensemble semblent plus éphémères. Ils n’en sont pas moins vrais.
Luc et François Jenny ne choisissent pas le témoignage ordinaire. Ils ont laissé libre court à leur âme de saltimbanque. Alors rien de plus naturel de danser, de chanter, de s’amuser avec une loupe géante, de mettre de la musique électro, de faire des jeux de lumières avec des lampes en main… S’il faut hausser le ton, ils le font sans hésitation. Les artistes possèdent leur univers et l’affirme dès les premières minutes. Ce qui fait que parfois c’est tellement capillotracté que l’on comprend qu’ils soient chauves. Ainsi on ne s’étonne pas d’entendre le capitaine Haddock au téléphone ou le running gag « Je suis ton frère, Luc ». Des références à la culture populaire en cohérence avec le reste. Tout cela donne du sens à l’ingénieux titre « Alzheimère & fils « . L’imaginaire est le seul moyen pour dialoguer avec la maladie et l’individu. Un pont qui n’a pas d’interdit et de limite. Il rend l’inadmissible et le révoltant tolérable. Ainsi chaque soir la voix de leur mère raisonne sur scène pour mieux lui dire qu’ils l’aiment malgré toutes les épreuves.
Luc et François Jenny ont mis des mots sur une douleur pour mieux en rire et accepter la perte d’un être cher. Un pari audacieux relevé haut la main. Bravo les artistes.
Où voir le spectacle?
Théâtre des déchargeurs jusqu’au 29 octobre 2022 à 21h00