Marguerite Duras dessine avec tendresse le destin de trois femmes dans « Savannah Bay ». Elle y raconte un lien entre une grand-mère et sa petite fille qui se tisse autour d’un souvenir. Un partage émouvant dans la construction et la perte de son identité.
Sur la pointe des pieds, Anne Frèches et Renan Richard-Kobel apportent sur scène des chaises et quelques instruments de musique. Puis doucement, la musique se fait entendre et Anna Frèches devient la jeune femme de l’histoire. Elle chante avec joie « C’est fou que j’peux t’aimer » d’Edith Piaf. Puis timidement, une autre femme plus âgée regarde ce qui se passe. Puis décide d’aller à la rencontre de cette jeune femme. Elle ne lui est pas totalement inconnue mais qui cela peut-il être ? Madeleine ne se souvient pas de tout. La jeune fille est là pour elle. Ensemble, elles vont partir faire un voyage au cœur d’un ancien souvenir, celui a percé le cœur d’une mère et ravie celui d’une grand-mère.
Madeleine, ancienne grande comédienne, retrouve un peu de fougue mélangée de timidité pour partager cette histoire. L’histoire d’une jeune fille qui veut mourir d’aimer. Au bord de mer est née une passion absolue. «Il l’a sortie de la mer, l’a posée sur la pierre et il l’a regardée. Quelqu’un pleure de bonheur, car ils vont mourir d’aimer. » De cette amour est né un enfant. Quand elle a poussé son premier cri à la vie, sa mère se jeta dans la mer pour y perdre son dernier souffle. C’était sûrement trop de bonheur d’un coup. Il fallait alors rejoindre la mort pour figer cet amour. Pour ceux qui restent, c’est la souffrance de l’absence qui reste ancrée en eux, une brûle à l’âme. Grâce à cela la grand-mère et la petite fille rejoue encore et encore ce moment de perte. Madeleine reste encore consciente de ce qui l’entoure grâce à cela. En jouant, elle redevient cette jeune comédienne talentueuse, son regard pétille de plaisir. La petite-fille tente alors de mieux comprendre des éléments dans sa quête perpétuelle d’identité.
Renan Richard-Kobel est le seul homme sur scène. Il joue de la guitare, du tuba et d’un petit xylophone pour accompagner ces deux femmes dans leur quête. La musique nous met au plus proche des émotions qui se dégagent. Des airs qui accompagnent les silences qui laissent à certains le temps de faire face à une peur : celle d’oublier. Voir une femme qui a perdu la mémoire inquiète. Et nous renvoie également à notre histoire et à cette question : Que reste-t-il lorsqu’on a tout oublié ? Une interrogation qui touche d’autant plus face à la beauté de la performance et la complicité d’Anne Frèches et Michèle Simmonet. Un duo qui porte l’émotion comme étendard à l’Amour et à la Vie. Elles mettent toutes la délicatesse et la douceur nécessaire pour faire vibrer dans le cœur de chacun les mots de Marguerite Duras. Ainsi tous les spectateurs partent remplis d’un sentiment étrange avec l’envie de partager et de laisser une empreinte d’eux quelque part.
N’hésitez pas à vous rendre à « Savannah Bay », le bleu azur de l’eau vous plongera dans un univers dans lequel vous ne ressortirez pas indemne.
Mais où voir ce spectacle?
Vous avez jusqu’au 24 mars au Lucernaire