Si je vous dis que « Phèdre » est une comédie. Vous ne répondriez que Racine n’était pas réputé pour son humour. Le titre du spectacle va tout vous révéler « Phèdre sans Racine ». Alors maintenant vous êtes convaincus et prêt à aller passer une soirée jubilatoire?
Héléna O’James signe ici sa première pièce dont elle est à la fois l’auteure et la metteure en scène. Et elle ne s’attaque pas à n’importe quelle oeuvre du théâtre classique. Puisqu’elle s’attaque à « Phèdre », pièce écrite lorsque Racine est au sommet de sa gloire. La pièce est jouée pour la première fois en 1673 à l’hôtel de Bourgogne. L’auteur dramatique y dépeint les tourments de l’âme féminine en travaillant avec précision sur les mots. Mais pourquoi vouloir être fidèle à ce texte quand on peut y mettre de la folie? Alors on garde l’idée de base avec Phèdre qui se sent mal car elle est tombée amoureuse de son fils, Hippolyte. Quand on lui apprend que son époux, Thésée, va mourir, c’est banco pour épouser le jeune garçon en question. Les fake new, c’était déjà courant à l’époque. Car il arrive chez lui en pleine forme « les bourses pleines ». Il a hâte de retrouver sa belle Phèdre pour se soulager. Mais on lui apprend que son fils a fait des avances à belle-maman. Nouvelle fake new qui risque de mettre en péril l’équilibre du royaume. Est-il possible que tout finisse bien?
Bien entendu que tout est possible car la tragédie c’était une autre histoire. Maintenant on laisse la place à la comédie déjantée et en alexandrin de douze pieds s’il vous plaît. Les comédiens de la compagnie Jeudi 13 relève un défi de taille en devenant tous les personnages. Et ils sont plus loufoques et barrés les uns que les autres. Les anachronismes sont légions aussi bien dans le texte que dans les costumes. Hippolyte ne pouvait guère écouter Nirvana ou avoir un badge anarchiste. Phèdre a une affinité avec les bordeaux, Jack Daniels et les anti-dépresseurs. Des insertions bien amenés toujours au service de la dérision. Aucun personnage ni aucun comédien n’est à mettre de côté. Chacun y met une énergie, une fougue et une passion très communicative. D’autant plus que l’on sent la complicité qui existe entre eux. Les rires se font entendre pendant toute la représentation jusqu’au flamboyant final mêlant humour et intelligence où tous tiennent une pause très mythiques. Phèdre s’exclame : « Néanmoins s’il se trouve ici, Des gens pour qui le ridicule, N’insulte pas la tragédie, Dont il se moque sans scrupule, S’il y a ici des libertins, Des esprits forts, des insolents, Qui considèrent qu’en tout temps, Le rire nous rend souverain, Je les invite à revenir, Un autre soir me voir mourir, En m’abreuvant de Calvados, Car l’ivresses est mon sacerdoce. » Vous l’avez compris, il faut dès à présent réserver votre place.
Une parodie haute en couleur à côté de laquelle il ne faut absolument pas passer.
0ù voir le spectacle?
Folie Théâtre
6 rue de la Folie Méricourt
75011 Paris
jusqu’au 23 juin 2019