Et si Edmond Rostand n’était pas l’homme d’un seul succès ? Derrière l’aura d’un Cyrano se cache d’autres personnages aussi charismatiques. Que diriez-vous de rencontrer l’un d’entre eux ?
En 1897, Edmond Rostand écrit « Cyrano de Bergerac » qui est maintenant l’une des pièces du répertoire français la plus jouée au monde. En 1900, une autre œuvre marque son époque avec « L’Aiglon » avec dans le rôle-titre, son amie Sarah Bernard. On annonce de très nombreuses fois la nouvelle création de l’auteur. Il faut attendre le 7 février 1910 pour que « Chantecler » face son entrée en grande pompe au théâtre de la Porte Saint Martin. Les loges se louent jusqu’à 100 francs et des personnalités du monde entier se déplacement pour voir la nouvelle création d’Edmond Rostand. Il lui fallut 8 ans pour écrire une de ces pièces les plus personnelles. Tout le monde en prend pour son grade et tous les défauts humains sont raillés tels la vanité, l’ambition, la jalousie, le cynisme… Le rôle devait être tenu par son grand ami, Constant Coquelin, qui avait incarné avec brio Cyrano. Cependant, il décède peu de temps avant le lancement du spectacle. Lucien Guitry devient alors Chantecler en y mettant toutefois beaucoup moins d’éclat. Le rôle n’était pas taillé pour lui.
Mais ce n’est pas ce qui dérange le public. Point de comédiens en tenue de théâtre dans un beau décor bourgeois ou mythique. Les comédiens portent des costumes d’animaux principalement de basse-cour. Et l’histoire se déroule principalement dans une ferme. Voilà de quoi dérouter les spectateurs. Les décors de plus sont gigantesques avec des objets qui ont trois fois leur taille normale sans compter les innombrables costumes. Cette langue si sophistiquée en alexandrin décontenance complètement. D’autant plus, que le langage est riche en jeux de mots et de sous-entendus. Le succès critique et public n’est pas au rendez-vous poussant au désarroi l’auteur. D’ailleurs après cette pièce, il ne montre plus de nouvelle création même s’il continue d’écrire. Une écriture qui lui procure autant de plaisir que de souffrance. « Chantecler » tombe peu à peu dans l’oubli de l’histoire du théâtre car trop difficile à monter de nos jours à cause du nombre de personnages, de la nature animal du récit, du langage et de la durée de 3h00.
Comme le dit si bien notre coq Chantecler : « Il ni a pas de rêves trop grand ». Une phrase que prend au pied de la lettre l’auteur Axel Sénéquier qui arrive à trouver le très juste équilibre entre l’histoire de la pièce et les extraits choisis. Une élégance dans l’écriture qui sert le rêve et l’espoir d’un auteur dont on ne retiendra de lui que Cyrano. Parler d’une œuvre méconnue au grand public est un défi de taille relevé avec brio par l’auteur mais surtout par l’interprète, seul en scène Henri Saint-Macary. Il devient à la fois ce jeune et dynamique directeur de compagnie de théâtre, Marco qui veut proposer son projet fou à ces partenaires de jeu. Et également les 129 personnages dont le fameux et séduisant Chantecler qu’il incarne avec fougue, force, audace et passion. D’un changement de tonalité, de position ou d’accessoire, il n’est plus comédien il est un autre : coq, poule, chien… Rien ne l’arrête et rien ne lui fait peur. Il nous emporte dans son monde et nous sommes tout à lui pendant plus d’1h00. Quand le spectacle se termine quoi de plus normal qu’un tonnerre d’applaudissement avec un public debout heureux ? On sort ravie, conquis, enrichit d’avoir passé un exceptionnel moment de théâtre comme il est bien rare d’en passer.
Vous pourriez me dire : « C’est un peu court, jeune homme. Vous auriez pu dire bien des choses en sommes ». Vous avez raison, alors je peux que vous donnez un excellent conseil : Courrez voir cette pépite.
Où voir le spectacle?
Théâtre de la croisée des chemins
43 rue Mathurin Régnier
75015 Paris
jusqu’au 3 mai 2019, les vendredis à 21h30