Si le nom de Charles Courtois-Pasteur ne vous disait avant de voir le spectacle « Tout Dostoïevski ». Une certitude, vous ne risquez pas de l’oublier quand vous quitterez le théâtre de Cité Internationale. Car quand vous lui confiez un défi de taille, il s’en occupe à sa façon et vous prend à partie de sa réflexion.

Benoît Lambert et Emmanuel Vérité ont créé un personnage complètement loufoque : Charles Courtois-Pasteur dit Charlie pour les intimes. Un petit gars, claudiquant, costume trop grand pour lui avec une chemise hawaïenne, une épaisse moustache et une mèche de cheveux un peu rebelle. Son micro, il le porte autour du cou et il se balade sur scène avec un très fil derrière lui. En accessoire pour lui tenir compagnie, juste une table avec quelques petites choses dessus. Là, se pose la question comment va-t-il nous parler de l’œuvre complète du monstre de la littérature russe : Fiodor Dostoïevski? Un léger décalage se présente entre le sujet et Charlie. Mais personne ne nous a dit que nous allions assister à une conférence avec un power point en compagnon. Et puis voilà, c’est le déclic, nous allons assister à une grande performance d’un grand maître du l’art du décalage et de l’autodérision. Il évoque son admiration et la peur que lui évoque l’écriture de l’auteur.

Il en a sous la cafetière ce Charlie, interprété par Emmanuel Vérité. Avec sa voix railleuse, il nous emporte vers son monde et nous captive. Une fois qu’il nous a harponné à son univers loufoque, on reste les yeux grands ouverts, les oreilles attentives avec les zygomatiques en marche. Avec simplicité et humour, son érudition s’exprime. Pas besoin vraiment d’avoir lu « Crimes et Châtiments » pour saisir l’idée principale de ce roman. Qui aurait pu croire que Dostoïevski avait inspiré Richard Levinson et William Link, les scénaristes de Colombo ? Le meurtre et le meurtrier sont indiqués en première page, maintenant il faut découvrir comment la police va trouver le coupable. Une belle occasion de faire une nouvelle fois une parenthèse. Et si nous parlions un peu de la carrière de Peter Falk ? Et aussi des comédiens de l’époque qui ont joué les méchants dans sa série phare ? De musique également, le public est en droit de participer. D’ailleurs, un spectateur se fera un plaisir de pousser la chansonnette au micro.

Il évoque les « Frères Karamazof » où des figures en bouchons de liège suffisent à nous présenter les personnages et leur destin funeste. Une petite précision est nécessaire au cas où quelqu’un voudrait le lire ou le relire : les personnages principaux ont plusieurs noms. Nous sommes prévenus. Une nouvelle occasion se présente afin de découvrir la culture russe avec la présence d’une amie de Charlie dans la salle qui lui offre un sac avec des gourmandises. Des graines de tournesol et du poisson séché qui viennent du pays de Fiodor qui vont circuler dans la salle. On fait partie d’une famille, alors on partage. Mais avant il faut trinquer quand-même pour ne pas faire déshonneur à la tradition. Vodka pour tout le monde. Vous trouvez cela improbable ? Vous avez raison et c’est cela qui fait ce spectacle une pépite incroyable. Car savoir mêlant savoir, humour et dérision tout en captivant le public, il faut posséder un sacré savoir-faire. Indéniable Emmanuel Vérité possède le don d’écrire, de jouer et de s’adapter au public en toute situation. En plus, il se laisse porter par les événements. Le spectacle qui devait durer 1h00 prend 30 minutes de rab au plus grand bonheur des spectateurs. Quand il doit rendre la scène, c’est sous un tonnerre d’applaudissements avec des sourires sincères qu’il part. Peut-on avoir un meilleur remerciement pour un artiste d’avoir conquis une salle comble ?

Ne ratez pas une rencontre avec Charlie, car promis, vous allez vous en souvenir d’avoir appris tout en rigolant de bon cœur. 

Où voir le spectacle?
TCI
17 boulevard Jourdan
75014 Paris

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