Nous sommes dans un pays de villégiature où depuis des années ces hommes et ces femmes reviennent. Assis face au public, ils se racontent les uns aux autres mais personne ne s’écoute vraiment. Le temps alors s’égrène et les êtres vont devenir poussière.

Le suédois Lars Norén possède à son actif 84 pièces de théâtre et fait parti des auteurs les plus traduit au monde. A 73 ans les préoccupations de ces premiers travaux diffères de ces dernières propositions. L’âge lui permet de mieux appréhender que tout homme vieillira et finira poussière. Pour cette pièce contemporaine, l’auteur est venu à la Comédie Française, à la demande d’Eric Ruth. Il a choisi les comédiens pour ces personnages ainsi que pour l’écriture en plateau dans la salle Richelieu. Même si le décor n’était pas celui initialement prévu pour cause de grève au français, je me demande si cela aurait été très différent. Les photos du programme ne montrent guère de différence.

 Les comédiens sont face aux spectateurs dans des vêtements ternes et unis dans un univers de délabrement. On apprend que nous sommes dans une station balnéaire dans un pays pauvre. Même si nous sommes censés être face à l’immensité on sent une impression étouffante d’enfermement. Les tons sombres corroborent se ressenti. Parfois des cadavres flottent à la surface de la mer. Du moins c’est ce que nous racontent ces hommes et ces femmes qui comblent les silences par des courtes phrases sur des sujets  liés à leur passé ou à leur état d’esprit du moment. Mais personne n’écoute et ne fait attention aux autres. Et quand quelqu’un disparaît les autres ne s’en aperçoivent pas. Des solitudes se réunissent en attendant que la mort les emporte. Par chance, la faucheuse les entraine en fond de scène derrière un rideau transparent de tulle blanc où il se commande quoi faire et où sont leur proche.

La lenteur, la tristesse se font ressentir à chaque minute qui passe. Le temps semble long. Heureusement qu’une belle brochette de comédiens remarquable nous montre l’étendue de leur talent, qui n’était plus à prouver. On retrouve Anne Kessler dans une émouvante drôlerie, Françoise Gillard dans un silence éloquent, Didier Sandre qui est peu de mots traduit sa lassitude, la douceur de Dominique Blanc qui s’oppose à la folie de son binôme, Hervé Pierre, l’autoritaire et odieuse Danièle Lebrun, le râleur Bruno Raffaelli qui garde en main les centres de son chien, la fragile Martine Chevallier, le discret Alain Lenglet en quête d’un livre, le gracieux dandy Gilles David et l’impassible Christian Gonon. Chacun joue sa partition pour créer une sorte de dynamique même si les phrases n’ont pas toujours de sens ou d’intérêt. Ils font le deuil commun de leur jeunesse enfuit et de la décrépitude qui les a gagné.


Le spectateur suit cette longue agonie. La vieillesse a saisi chacun des personnages pour les guider vers le bal de la mort. Et quand tout a disparu, le spectateur enfin revit et prend une bouffée d’oxygène.

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