Charles Péguy est un homme de conviction. Il n’a jamais baissé les bras, ni abandonner sa verve face aux attaques. Et même quand il trouve la foi, il ne basculera jamais vers les idées extrêmes comme Action Française. Il reste un homme qui défend la tolérance, la liberté de pensée et l’égalité pour tous.

Faire un spectacle autour de Charles Péguy est un choix surprenant. On pourrait penser que c’est un défi lancé au spectateur. Une façon de l’inciter à venir soit découvrir un homme de caractère ou soit de nouveau rencontrer un auteur que l’on connaît. Une fois que l’on a fait le choix de franchir les portes du théâtre de la contrescarpe, le doute n’est plus permis. De toute façon, une fois que la représentation commence on sait que l’on a fait le bon choix de venir.

Bertrand Constant, seul en scène incarne Charles Péguy, debout, fier, la voix pleine d’assurance qui va partir à la guerre. Dans sa librairie va arriver un jeune journaliste, Paul Gerbier des Joncs, qui souhaite faire un portrait de lui. Charles Péguy accepte avec plaisir ce dernier échange dans un monde qui ne s’est pas encore écroulé. Bertrand Constant change de voix, de position. Il devient alors tous les autres personnages (accompagné parfois d’une voix off) qui sont les acteurs du passé de l’auteur. On le découvre enfant avec une grand-mère qui lui racontait des histoires. Puis adolescents à l’école où il brille par la qualité de son écriture. Et enfin adulte, là où il lutte pour l’innocence de Dreyfus. Dans son journal « La Quinzaine littéraire », on lui reproche d’écrire des articles avec moins de mordant depuis qu’il a trouvé la foi. Son regard sur la société a changé et il prie pour elle. D’ailleurs, un journaliste et un prêtre d’Action Française vont lui proposer de les rejoindre. : « …tous ces juifs qui vous entourent dans vos Cahiers, les Halevy, Suarès, Benda, Bergson et consorts… une vraie synagogue ce papelard. Ils vous auront fait confondre le beau visage de Jeanne d’Arc avec le nez crochu de Dreyfus ».  Mais son opinion religieuse n’a pas changé sa tolérance envers les autres.

Le comédien m’a emporté dans l’histoire. J’ai suivi le fil conducteur avec plaisir car tout amener avec beaucoup d’intelligence et de délicatesse dans le texte de Samuel Bartholin. Bertrand Constant donne une interprétation avec simplicité, naturelle et intensité des personnages. J’avais même l’impression de voir parfois plusieurs personnages discutées alors qu’il était seul sur scène. La nuance légère dans la voix et le comportement créer tout de suite l’illusion. Il sait imposer un rythme pour emmener le spectateur dans son univers. Ainsi après que l’on en apprit un peu plus sur l’écrivain et ses convictions, on revient au point de départ : la librairie et la fin de l’interview. Un point final à un échange très riche et passionnant. La mise en scène de Laetitia Gonzalbes joue à l’efficacité avec juste quelques meubles, quelques livres qui suffisent à faire voyager et tout dire. Appuyé bien entendu par le travail tout en finesse de lumière de Charly Hove qui accompagne Bertrand Constant en toute circonstance. Un très beau travail d’équipe qui a donné naissance à un spectacle pétillant d’intelligence et brillant d’éloquence.

CP : Yann Gouhier 

Alors si vous voulez rencontrer un homme révolté contre l’injustice, l’oppression, la haine, poussez, vous aussi les portes du théâtre. Vous y trouverez Bertrand Constant qui vous insufflera une rage de vivre et une folle envie de s’exprimer librement.

 « Aller au bout de ce que l’on croit, c’est atteindre l’éternité ».

Théâtre de la Contrescarpe
5 rue Blainville
75005 Paris

jusqu’au 26 novembre 2018

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