Cyrano, vole au dessus d’un nid de coucou. Peut-être est-il le roi des fous? Tranquillement dans un asile, il raconte ces aventures avec fougue et passion. Son coeur bat pour la belle Roxanne, qui ne peut l’aimer à cause de son nez. Philippe Torreton incarne ce personnage haut en couleurs sur les planches du théâtre de la porte St Martin, dans une mise en scène totalement étrange de Dominique Pitoiset. Prêt à aller à la rencontre d’un maniaco-dépressif?
Philippe Torreton m’a fait encore plus aimé Michel Vuillermoz. Cyrano de Bergerac a bercé mon coeur de jeunesse qui a été ravivé par l’adaptation cinématographique de Jean-Paul Rappeneau en 1999 avec Gérard Depardieu en Cyrano. Puis à la Comédie Française avec l’extraordinaire mise en scène de Denis Podalydès avec en Cyrano, Michel Vuillermoz et le très séduisant Loïc Corbery en Christian, qui se joue à guichet fermée chaque soir. Alors me plonger dans un univers froid d’un asile psychiatrique, le choc a été rude.
Je ne dénigre pas le talent de Philippe Torreton. Il obtient le Molière du meilleur comédien dans le théâtre subventionné pour ce rôle en 2014 ainsi que le Prix de la Critique. Il est nommé chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres en 1999 il est également chevalier de l’Ordre du mérite.L’histoire est entièrement construite autour de lui. Son talent de comédien peut briller. Les autres comédiens ne servent pas à grand chose au final, ils sont tous fades et sans saveurs. Ils pourraient être remplacés par des voies off, des projections, des simples cartons mouvants. Roxanne et Christian sont totalement insipides. Les gascons sont mous et sans vaillance. La comparaison est drôlement rude avec la Comédie Française où chaque personnage à un rôle, à une importance et surtout une véritable présence.
Deux ans après, je me souviens encore des fameuses scènes de combats à l’épée sur scène. Le metteur en scène a vu plus simple pour expliquer la situation. Il n’a rien fait à part le duc de Guise avec un semblant de costume. Le bruit de coup de feu, la lettre ensanglanté arrive et la guerre en fini.
Et que dire de la scène chez Ragueneau avant que Cyrano rencontre Roxanne? L’appétissante boutique devient juste des plateaux repas avec quelques gâteaux que le spectateur ne peut pas voir. Je me souviens de la description dans le livre et de la magnifique scène à la Comédie Française, où j’avais l’impression de sentir les poulets rôtir et les gâteaux cuire. Dans cette version, je sais qu’il y a des gâteaux car les profiteurs poètes de Ragueneau mangent des gâteaux pleins de crèmes et qu’ils en ont sur le visage. D’ailleurs, un va même cracher ce qu’il a mangé sur le sol. Sinon, je serais passer à côté de ce moment.
Je me souviens à la Comédie Française de la passion de Roxanne, de la flamme dans le regard de Christian, l’enthousiasme des gascons… Que me restera t’il de cette pièce à la fin de l’année? Ce spectacle sansPhilippe Torreton et sans tête d’affiche rencontrerait-il le même « succès »? D’ailleurs, l’écho de cette pièce tient dans le nom de l’acteur célèbre pour son talent de comédien. On parle peut de la mise en scène et je le comprend beaucoup maintenant après avoir vu le spectacle.
La mise en scène m’a beaucoup dérangé tout en m’ennuyant et me perturbant. Pourquoi vouloir se moquer d’Edmond Rostand et de Cyrano de Bergerac? Philippe Torreton incarne Cyrano habiller comme Pascal le grand frère qui vient la rescousse de familles en difficulté. En effet, bienvenue dans le contemporain. Baskets, jogging, veste de sport et marcel blanc avec la moustache. Par contre à la scène finale, il porte un costume « d’époque » qui va lui être retiré par ces compères de l’asile, bière à la main. Je n’ai pas compris ce changement. Comme ce personnage rêve qu’il est Cyrano, au moment de mourir il en porte les habits. Mais au final, c’est un fou comme un autre, alors on lui retire ces vêtements pour qu’il redevienne comme avant.
Roxanne est une gourdasse qui se comporte comme une adolescente. Elle vient au front retrouvé son Christian car ces lettres l’ont bouleversée. Le metteur en scène a choisi de l’habiller en robe rose avec un diadème. En effet, nous sommes dans un monde de fous.
Le metteur en scène l’annonce très vite que nous sommes dans un asile. Une fois le noir fait dans la salle, se sont des luminaires directs qui éclairent la salle comme ceux que l’on trouve dans les hôpitaux par exemple. Puis les comédiens rentrent et ils ont tous l’air d’avoir des problèmes psychologiques. Alors ils peuvent incarner les personnages imaginaires de notre pseudo héros Cyrano. Un petit douce est laissé quand même, les murs ne sont pas blancs, ils sont noirs. L’histoire n’est pas totalement cloisonnée.
Sur scène, nous avons d’un côté un juke-box qui va être la zone de diffusion musical qui va diffuser du Piaf au Beatles. De l’autre côté, une armoire et une arrivée d’eau. Entre les deux, du mobilier couleur argent recouvert de blanc, un fauteuil et un lit. Le mobilier va d’ailleurs bouger selon les besoin de l’histoire.
La modernité se fait par la fameuse scène du balcon. Le problème se résout très vite avec un ordinateur et un écran qui descend au milieu de la scène. Les échanges vont se faire via un système comme Skype. Au final, Christian montera quand même cueillir son baiser. Dommage que la téléportation n’est pas encore d’actualité.
Je sais que la tendance du moment est de modernisé les mises en scène des classiques et tous y passent : Molière, Feydeau, Marivaux et même Gaston Leroux. Mais Cryrano! J’aime ce texte plus que de raison et le voir ainsi mis en scène avec un tel irrespect des personnages me laisse totalement sur le cul. Personnages secondaires inexistants, mimiques exagérées allant jusqu’à imiter Louis de Funes… Cyrano n’est pas fou, c’est moi qui suis folle de lui. Ce qui me rassure, c’est que le succès n’est pas vraiment au rendez-vous. Est-ce le fait que le spectacle dure 2h45? qu’il ne soit pas trop loin de République? Où la mise en scène trop contemporaine? Le théâtre proposait des tarifs web sur son site et cela était affiché même dans le théâtre. Etant arrivée très à l’avance, j’entends qu’il y a eu beaucoup d’invitations pour remplir la salle. J’ai acheté ma place à -62%. Les deuxième, troisième et autre catégories n’étaient pas pleine non plus hier soir. Un Cyrano qui convainc moins que cela de la Comédie Française. Non, Cyrano ne peut pas être dans un asile avec des fous.
Oh Cyrano, je t’aime depuis si longtemps avec tes alexandrins si magnifiques que parfois lorsqu’on ose mettre trop de modernité, j’en enrage de désespoir. Heureusement que Philippe Torreton aime ce texte et lui rend bien hommage. Mais Cyrano chez les fous, très peu pour moi. Alors amis puristes, si vous aimez les combats d’épées, les repas gargantuesque et les fameuses tirades pleines de fougues, allez à la Comédie Française. Vous verrez un spectacle qui risque de vous marquez à jamais.
Ce qu’en dit la presse :
«L’Express» : Sa prestance, sa justesse, sa diction, son sens de la dérision, sa joie à jouer le décalage et sa folie transfigurent tout. Une prestation rare.
«Le Figaroscope» : Une vision originale et pertinente, portée par un excellent Philippe Torreton.
«Le Monde» : Un Cyrano inattendu, à qui le public fait un triomphe.
«Le Point » : Avec Philippe Torreton dans le rôle-titre, c’est dément. Et convaincant.
«Telerama» : Du grand art.
«La Croix » : Philippe Torreton, magistral dans le rôle-titre.
«Le Nouvel Obs» : Émouvant, formidable !
«Paris Match» : Fabuleux.
«La Terrasse» : Cette mise en scène singulière fait mouche sur l’humanité de Cyrano.
Une pièce d’Edmond Rostand
Mise en scène Dominique Pitoiset
Assistante à la mise en scène Marie Favre
Avec Philippe Torreton, Hervé Briaux, Adrien Cauchetier, Antoine Cholet,Tristan Robin Patrice Costa, Gilles Fisseau, Yveline Hamon, Jean-François Lapalus, Bruno Ouzeau, Julie-Anne Roth, Luc Tremblais,Martine Vandeville, Pierre Forest.
Dramaturgie Daniel Loayza, Scénographie et costumes Kattrin Michel, Assistée de Juliette Collas, Lumière Christophe Pitoiset.
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