Mémoires d’Hadrien, la célèbre œuvre de Marguerite Yourcenar, est une réflexion philosophique sur le pouvoir, la mémoire et la mort. Dans cette adaptation magistralement interprétée par Jean-Paul Bordes, le comédien incarne avec profondeur et émotion l’empereur vieillissant. La mise en scène, sobre et épurée, permet à la puissance du texte de se déployer avec toute sa ferveur.
Dans cette adaptation des Mémoires d’Hadrien de Marguerite Yourcenar, la scène se fait un miroir de l’âme impériale. La pièce, réalisée par Renaud Meyer, nous plonge dans la réflexion intime d’un empereur prenant de l’âge, qui livre une sorte de testament spirituel et personnel. C’est l’histoire d’un homme qui, ayant traversé la grandeur et la décadence de son empire, se retrouve face à la fin de son existence, tout en cherchant à transmettre sa sagesse et ses souvenirs. La mise en scène de Renaud Meyer est d’une grande sobriété A cela se complète le travail de scénographie de Marguerite Danguy des Déserts qui se dévoile dans un espace où le minimalisme règne, une table, un siège, une toile de fond… La lumière, qui oscille entre clair-obscur, créé par Jean-Pascal Pracht, subtilement dosée et épurée se contentent de l’essentiel pour permettre à la pensée de l’empereur de prendre toute la place. Ce parti pris de minimalisme fait en sorte que l’introspection du personnage soit toujours au centre du spectacle.
Le grand mérite de cette production réside dans la performance du comédien Jean-Paul Bordes, qui incarne le personnage d’Hadrien avec une présence saisissante. Dès les premières secondes, il capte l’attention du spectateur. Sa voix, grave, lente et posée, porte le poids de l’âge, de la grandeur et de la mélancolie. Chaque mot semble peser, chaque silence est un univers à lui seul. Dans sa manière de jouer, il n’y a ni précipitation ni faux-semblant. Il nous fait ressentir la profondeur de la réflexion d’Hadrien, un empereur devenu philosophe, un homme fragile en quête de sens face à la fin du chemin. « Chaque nuit nous ne sommes déjà plus ». Jean-Paul Bordes donne une interprétation fabuleuse, où chaque geste, chaque regard compte, permettant à la pensée complexe d’Hadrien d’émerger dans sa presque nudité, sans artifice. Il reste profondément humain.
Le texte de Marguerite Yourcenar résonne avec une intensité particulière. En étant à la fois historique et profondément humaine, la réflexion d’Hadrien touche des sujets universels tels que la vieillesse, la mort, la mémoire et l’amour. « Chaque pierre était le projet d’un songe ». Sa méditation sur la vie et la manière de la contempler à la fin, avec lucidité et détachement, s’avère d’une grande richesse philosophique. Le comédien s’approprie ce texte avec une telle profondeur qu’il réussit à rendre l’aspect historique accessible et vibrant. Ce n’est pas seulement un empereur qui parle, mais un homme, un être humain, qui s’interroge sur son existence et sur ce qu’il laisse derrière lui. Cette proximité entre le personnage et le spectateur est d’autant plus palpable dans l’intensité du jeu de Jean-Paul Bordes. Son Hadrien nous fait oublier la distance temporelle et nous transporte dans une époque révolue, tout en laissant entrevoir des réflexions qui résonnent aujourd’hui. Il incarne l’homme des mots. « La mémoire est une grande fresque ».
Mémoires d’Hadrien dans cette mise en scène sobre et profonde, portée par la voix et l’interprétation de Jean-Paul Bordes, offre un spectacle d’une rare intensité. L’interprétation du comédien, d’une grande présence, parvient à traduire la complexité du personnage d’Hadrien, offrant au spectateur une expérience aussi émouvante que stimulante.
Où voir le spectacle?
Au Théâtre de Poche jusqu’au 16 mars 2025
75 boulevard du Montparnasse
75006 Paris