Avec Perdre son sac, Pascal Rambert livre un monologue coup de poing où une jeune femme s’élève contre les fractures sociales, l’amour et les tourments intérieurs qui la déchirent. Dans une scénographie minimaliste, cette révolte interpelle, percute et bouleverse. Entre colère brute et poésie acérée, la pièce interroge nos propres positions face à la précarité.

Pascal Rambert nous entraîne dans un cri viscéral, porté avec une intensité incandescente par Lyna Khoudri. Ce monologue est une plongée brutale dans les violences sociales et intimes, où une femme écrasée par la précarité et les désillusions s’affirme avec une force implacable. Chaque mot, chaque geste résonne comme un coup. La scénographie, épurée et oppressante, installe d’emblée un face-à-face troublant entre la comédienne et le public. Les spectateurs, placés en cercle, deviennent témoins, presque complices, de cette colère qui s’impose au centre de tout.

Elle surgit, un balai-éponge en main et évoque son bac +5 comme un fardeau ironique. Là, sur ce terrain nu et saturé de tension, elle affronte les regards avec une intensité glaçante. Tout son être hurle sa révolte, celle d’une jeune femme réduite à laver des vitrines pour survivre. C’est son propre cri qu’elle révèle, brut, tranchant, sans filtre. La violence de ses mots s’abat sur les spectateurs avec la force d’une détonation. On ne peut ni détourner les yeux ni se protéger de l’agression de cette vérité. Lyna Khoudri incarne cette rage avec une intensité presque insoutenable. Ses mots frappent et ses gestes nerveux traduisent une lutte intérieure incessante. La violence devient totale, envahissant le texte, la mise en scène et le corps même de l’actrice.

Cette violence sociale s’entrelace avec des blessures plus intimes : un amour impossible avec Sandrine, une employée de salon de beauté et un père absent ou indifférent. Il n’y a pas de refuge, pas de douceur, car chaque élan est brisé par un monde sans pitié. La pièce ne laisse aucun répit : les moments d’émotion ou d’apaisement, comme celui où elle s’assoit aux côtés d’une grand-mère et laisse les larmes couler, ne durent qu’un instant. À chaque accalmie succède un uppercut émotionnel qui ravive la colère.

Lyna Khoudri est magistrale. Elle ne se contente pas de jouer : elle incarne cette rage, cette douleur, cet effondrement intérieur. Son corps tout entier devient le théâtre d’un combat : ses gestes nerveux, ses cris, ses silences tendus frappent autant que ses mots. Sa performance dépasse parfois même le texte, tant elle déborde d’intensité, brûlant les limites de ce qui est écrit. Cette tension dramatique constante devient presque insoutenable, confinant le spectateur dans une vitrine d’émotions brutes et d’injustice criante. On suffoque avec elle, on brûle de cette même rage et, parfois, on a envie de fuir tant la puissance du propos bouleverse ou fait écho en nous.

Perdre son sac est une œuvre qui frappe par sa violence, à la fois sociale et intime qui interroge nos propres positions face à l’injustice. Grâce à une performance époustouflante de Lyna Khoudri, ce cri de révolte s’impose avec une force rare. En choisissant de tout exposer sans offrir d’échappatoire, la pièce laisse un goût amer, entre fascination et déchirure. La pièce marque profondément, jusqu’à nous ébranler.

Où voir le spectacle? 
Jusqu’au 24 janvier 2025 dans le cadre du Festival Les Singulier·es au 104

Où voir le spectacle? 
Jusqu’au 24 janvier 2025 dans le cadre du Festival Les Singulier·es au 104

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