« J’ai la mémoire qui flanche, J’me souviens plus très bien » chantait Jeanne Moreau. Quelle jolie illustration qui pourrait très bien parler d’Alzheimer. Un déclin quotidien récurrent de nombreux parents dont les enfants assistent sans pouvoir agir.

Rien que l’évocation du terme Alzheimer, un frisson traverse le corps. On souhaite que cela ne nous concerne pas et surtout que cela ne touche personne de notre entourage. Toutefois, l’espoir n’a rien contre le hasard de la maladie. Une fois qu’elle est détectée, on sait pertinemment que c’est le début de la fin. Jean-Claude Grumberg décide de s’emparer du sujet pour emmener les spectateurs au coeur d’un triangle réflexif. La mère est mise dans un établissement spécialisé dans lequel l’a placé son fils adoré. Mais comme la mémoire est assez aléatoire, elle va faire des choses inappropriées. L’intervention du directeur de l’établissement est nécessaire. Plus le temps s’égraine et plus elle devient difficile à gérer aussi bien dans son attitude que son vocabulaire. Chose assez ordinaire malheureusement pour cette pathologie. Son fils essaie tant bien que mal à lui insuffler un peu de raison dans la folie.

Aucun doute que le texte raisonne sur le plan affectif à plus d’un spectateur. Beaucoup d’entre nous on vue une mère, un père, un grand-père, une grand-mère décliner progressivement jusqu’à devenir un légume total. Quelle tristesse et quelle souffrance de voir un être aimé tomber dans les brumes du souvenir. Surtout que les rôles changent aussi, c’est à l’enfant adulte de s’occuper de l’adulte devenu enfant. Il faut accepter à renoncer. L’auteur a décidé d’y mettre une dose de bonne humeur et de cocasserie enfantine. N’est-ce pas nécessaire face à des mots cruels de votre mère? Même si vous savez que ce n’est plus vraiment elle. Même si le déclin s’affiche, la mise en scène tente de mettre de l’énergie avec des courses poursuites, des vols de fauteuil roulant… On devrait pouvoir en rire. Pareil pour les échanges entre le fils et sa génitrice, teinté à la fois d’humour et de tristesse. Surtout que la vieille recherche encore sa mère disparu lors de la déportation.

© Jean-Luc Drion

On aimerait se sentir emporter dans cette lenteur. Mais le rapport au temps se fait bien sentir. Wally Valerina Bajeux arrive très bien à mettre au niveau de ces personnes âgés où tout est plus lent, presque une éternité. Même les projections sur un écran noir devant la scène n’apporte guère plus d’énergie tout comme ce jeu de rideaux tirés. Les minutes s’étirent encore et encore. Nous percevons la difficulté d’attendre quelque chose. Jean-Paul Comart dans le rôle du directeur, apporte ce peps propre à ceux qui portent les responsabilités dans des endroits sensibles. Les pensionnaires dépendent de lui et il doit veiller à leur sécurité, qu’importe ce qu’ils ont et font. Marc F. Duret, le fils, s’amuse comme il peut des petits excès de sa mère. Ne vaut-il pas mieux y voir encore de quoi sourire avant de passer aux larmes? Colette Louvois incarne un personnage proche de son âge, qui dégaine simplement les phrases blessantes. Elle sait se rendre détestable et insupportable. Le trio complémentaire donne à voir un sujet difficile. On quitte le théâtre différent que lorsqu’on est arrivé.

Quand on oublie tout, c’est aux autres de se souvenirs de cette épreuve.

Où voir le spectacle? 
Studio Hébertot jusqu’au 19 avril 2023.
78 bis boulevard des Batignolles
75017 Paris.

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