Ce n’est pas parce que l’Amour est sincère qu’il peut tout affronter. La pauvre Bérénice en sait quelque chose. Malgré le lien fort qui l’unit à Titus, elle doit fuir le coeur lourd.

A l’évocation de « Bérénice » certains en auront des frissons liés à un traumatisme scolaire. Sans oublier ceux qui voudront fuir rien qu’à lire le nom de l’auteur Jean Racine. Pourtant, ils auraient tort de passer à côté de ce texte du 17e siècle. Pour résumer assez rapidement l’histoire, Titus va accéder au pouvoir suprême. Il a fait sonder les assemblées romaines concernant son mariage avec Bérénice, reine de Palestine. Elles s’y opposent fermement. Titus n’a pas le choix, même s’il aime passionnément Bérénice, il faut la chasser. Il charge son ami, Antiochus, roi de Commagène, de lui faire la commission. Mais l’homme est secrètement amoureux de la belle. Peut-être qu’elle pourrait alors se tourner vers lui? Bérénice est très contrarié de la situation. Elle refuse de rester proche de TItus qui ne veut plus l’épouser et même bilan pour l’autre. Ils iront se faire voir ailleurs si elle y est.

Rien de bien complexe dans cette tragédie. Alors se pose toujours la question quelle mise en scène faire, avec quel décor et quels costumes. Et rarement le choix se pose sur quelque chose se rapprochant des représentations d’époque. On sait que Muriel Mayette-Holtz aime la modernité comme elle l’a montré lorsqu’elle était à la tête de la Comédie Française. On ne s’étonne pas totalement avec cette chambre à la couleur pâle et ces deux grandes fenêtres. Très vite quand la représentation commence on reste stupéfait devant les jeux d’ombre et les variations de teintes. Les impressions de déjà vu se bouleversent comme si nous étions dans une innovation d’une autre époque, des références à des films policiers américains des années 60, les peintures de Turner voir même « Sin City » de Frank Miller ou des photos de Weegee. Cette fausse maîtrise de perfection se voit dans le détail de la moquette irrégulière avec les traces de pliage pour le rangement. Et surtout sur les tenues que portent Carole Bouquet. Pourquoi une telle actrice qui joue une reine porte une robe de secrétaire mal coupée? Et pourquoi doit-elle porter une nuisette en dentelle transparente où l’on voit son soutien gorge et une culotte gainante? Surtout que son pendant homme lui garde ses vêtements avec le détail de la cravate sur la lampe. Un choix esthétique surprenant par son inélégance.

Par chance, le talent des comédiens est là pour nous emporter de bout en bout. Carole Bouquet arrive avec beaucoup de pudeur et de sensibilité à incarner Bérénice. Une femme honnête et passionnée qui se fait rejeter car elle ne plaît pas au pouvoir. Elle insuffle une force incroyable car elle refuse d’être un vague objet de satisfaction pour ces messieurs. Une icône féministe avant l’heure avec son amour propre et la connaissance de sa valeur. Son rôle est mis en avant grâce à Titus incarné par Frédéric de Goldfiem. Droit, ferme et tendre à la fois, il est celui devant faire face au conflit entre pouvoir et passion. Celui qui sublime vraiment ce classique est Jacky Ido, Antiochus. On ne doute jamais de son exaltation, de son bouillonnement et de sa flamme. Son oeil brille de ce qui lui dévore le coeur jusqu’à en se jeter au sol. Il est rare de voir un amant éconduit aussi convaincant, vibrant et palpitant. Même si leur présence reste discrète Augustin Bouchacourt et Eve Perreur contribuent à ce moment de vie épique. Une équipe mettant à disposition son énergie au service du théâtre.

Une pièce détonante qui redonne à voir les grands classiques d’un autre regard.

Où voir le spectacle? 
La Scala Paris
Jusqu’au 12 octobre 2022

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