Sur scène, un homme se tient seul face à l’indicible. Le texte s’inspire d’une histoire vraie, celle d’un drame intime traversé par l’horreur collective, avec pour seule arme la dignité et la parole. L’intention est noble, l’émotion promise immense, pourtant la représentation peine à trouver son souffle.

Le spectacle s’attaque à l’un des sujets les plus touchants de notre époque : la perte, le deuil, le regard des autres et la reconstruction après les attentats du Bataclan. On aurait voulu être happé par la sobriété, bouleversé par la justesse du propos. Pourtant, la mise en scène reste étrangement froide. Mickaël Winum s’efforce de porter le texte avec sincérité. Les larmes viennent et montrent la tristesse. L’émotion finit par s’éteindre avant d’avoir vraiment pris. Le récit, pétri de bons sentiments, conserve une pudeur touchante mais sans jamais creuser la complexité du trauma. Tout semble lisse, comme si la peur d’en faire trop avait conduit à ne pas en faire assez. Le texte, pourtant puissant à la lecture, semble ici se dissoudre dans une interprétation trop sage.

La scénographie accentue ce sentiment d’éloignement. Les lumières, qui ne font pas totalement le noir et qui parfois sont très intenses coupent toute intimité et empêchent l’émotion de s’installer. Pas de noir totale sur scène ce qui fait que l’on voit les déplacements de l’artiste et casse l’effet de surprise. Ce choix esthétique, sans doute pensé comme une ouverture vers le spectateur, finit par créer une distance involontaire. Le dispositif scénique, trop visible, prend le pas sur le récit intérieur. On se surprend alors à regarder la lumière plus que la parole, à subir un effet plutôt qu’à vivre une émotion. Ce décalage entre l’intention et le ressenti laisse une impression d’inachèvement, comme si le spectacle n’osait pas se confronter à la puissance du silence.

Reste la sincérité du projet et le courage de raconter. On devine le désir de témoigner, de transformer la douleur en apaisement, la haine en humanité. C’est sans doute là que le spectacle touche, dans son effort de tendresse, même s’il échoue parfois à la transmettre. On sort avec un respect certain pour la démarche, mais sans cette boule au ventre que le sujet appelait. Notre imaginaire est chargé d’émotions, d’images et de sons du 13 novembre 2015 que l’on n’a pas retrouvé. C’est peut être mieux ainsi. Ce moment de théâtre, plein de bonnes intentions, manque d’incandescence pour marquer durablement la mémoire. Il a l’utilité d’être là pour ne pas oublier et ne pas tolérer la montée des extrêmes même dans son pays.

Un spectacle empreint de sincérité, mais prisonnier d’une forme trop sage pour bouleverser. L’émotion se dilue dans la lumière et la douleur reste à distance. Un récit nécessaire, hélas privé du souffle scénique qu’il méritait.

« Vous n’aurez pas ma haine » a reçu le label « Spectacle recommandé par la Licra ».

Où voir le spectacle? 
Au théâtre de la bruyère jusqu’au 30 décembre 2025

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