Un duo surgit dans un vestiaire et renverse toutes les attentes avec une liberté déconcertante. Deux corps racontent l’indicible en transformant chaque mouvement en fable électrisante. Ce qui se joue ici dépasse la danse ou le théâtre, c’est une célébration sauvage de l’instinct, de l’humour et du désir.

« Un poyo rojo » déploie d’abord un jeu savamment chorégraphié où rivalité et fraternité se frôlent avec une intensité presque animale. Chaque geste semble porté par une urgence vitale, chaque détour précise une relation toujours en tension. Les interprètes explorent la virilité à travers une multitude de nuances, laissant apparaître un mélange troublant de bravade et de fragilité. Leur performance, totalement engagée, fait surgir un récit sensible où se télescopent désir, compétition et complicité. Le plateau devient alors un terrain de jeu autant qu’un champ de bataille émotionnel, révélant un duo magnétique qui captive par son pouvoir d’évocation.

Les deux acrobates prennent appui sur le poste de radio, véritable partenaire de scène, qui propulse le jeu vers une liberté délirante. Les fréquences qui s’entrechoquent créent un patchwork sonore irrésistible, du journal sérieux à la chanson pop, du talk-show au tube latino. Cette partition imprévisible stimule les artistes qui réagissent instantanément, détournent, transforment, amplifient… Chaque interruption, chaque accident sonore devient matière à inventer, à surprendre, à dérouter… Cette dimension ludique renouvelle sans cesse la dynamique du spectacle et souligne la virtuosité impressionnante d’Alfonso Barón et Luciano Rosso qui maîtrise autant l’humour que la précision physique. La preuve avec la musculature précise de leurs corps.

L’énergie finale déploie une charge émotionnelle inattendue, révélant la beauté d’une relation née dans l’affrontement et aboutissant à une forme d’unité. Les corps s’accordent, se répondent, se complètent, ouvrant la voie à une lecture profondément humaine du lien qui se tisse entre ces deux figures. La performance s’affirme comme un manifeste de liberté, refusant les étiquettes, s’affranchissant des normes et célébrant la multiplicité des récits possibles. Le théâtre y retrouve son pouvoir brut de raconter le monde en laissant l’imaginaire de chacun prendre toute sa place.

Le souvenir de ces deux artistes perdure, irradiant une audace rare et une joie contagieuse. Le rire se mêle à l’émerveillement et la virtuosité au trouble. Voici un spectacle qui libère, qui galvanise et qui rappelle que l’art peut dire l’essentiel sans ouvrir la bouche. Une expérience qui se savoure comme un cadeau.

Où voir le spectacle? 
Au théâtre de la pépinière jusqu’au 29 décembre 2025

Tags: