
Deux inconnus se rencontrent sur un banc, dans un moment suspendu où la routine s’efface pour laisser place à l’imprévu. Ils ne cherchaient rien et pourtant quelque chose s’allume, fragile, inattendu, presque interdit. Leur histoire explore ce point de bascule où le quotidien se fissure pour laisser entrer la possibilité d’un autre chemin.
Cette création s’appuie sur un duo d’interprètes complices, Isabelle Carré et Bernard Campan, dont la maîtrise scénique donne au récit une profondeur séduisante. Le spectacle interroge avec délicatesse ces instants où l’on se surprend à ressentir pour quelqu’un d’autre un trouble qu’on croyait impossible, alors que chacun a une famille, une vie déjà construite. La rencontre sur un banc devient ainsi la matrice d’un bouleversement intime qui grandit au fil du temps. Les dialogues, sobres et efficaces, traduisent la naissance d’un lien que tout devrait empêcher et qui pourtant résiste. L’écriture évite la mièvrerie facile et s’attache plutôt aux petites hésitations, aux respirations, aux regards échangés qui en disent long. On se demande alors comment survivra ce sentiment après une longue parenthèse estivale, quand le quotidien reprendra ses droits. Le public est invité à réfléchir sans jugement sur la tentation d’une seconde chance et sur la force parfois déroutante des rencontres imprévues.

La mise en scène, élégante et discrète, d’Anne Giafferi, sert le propos. Quelques éléments suffisent pour créer des espaces mouvants et symboliques, laissant la part belle au jeu des comédiens. Cette sobriété scénique permet d’installer une ambiance intime. Bien que l’on découvre des grands écrans numériques pour montrer la nature. On doute de trouver de tels espaces dans Paris. Fallait-il une sensation d’infini pour révéler le confidentielle et le secret? Le montage avec des oiseaux et des sièges gênent comme des détails incohérents dans un grand tout. On y porte peu d’intérêt. Les apparitions des appartements du duo et les autres comédiens, s’effacent pour laisser vraiment à cette amitié affective s’épanouir et on vient à les oublier. Ce choix d’ensemble capte les nuances émotionnelles, les frémissements et les contradictions des personnages avec justesse. Les comédiens évoluent avec une aisance naturelle qui donne l’impression de regarder vivre deux êtres réels. La pièce propose ainsi un théâtre du sensible, fondé sur l’écoute et la vérité, où l’ordinaire se transforme en récit amoureux intriguant.
L’œuvre touche particulièrement par son regard sur le risque et l’inconnu. Tomber amoureux en dehors des cadres établis suppose de se confronter à des choix parfois vertigineux, entre fidélité, désir, peur de perdre et besoin de renouveau. « Un pas de côté » saisit cet entre-deux avec finesse, offrant une réflexion lumineuse sur les chemins que l’on n’ose pas toujours emprunter. Il montre qu’un simple écart peut révéler des forces enfouies, des fragilités qu’on croyait maîtrisées et qu’une brève étincelle peut parfois éclairer de grandes zones d’ombre. On ressort attendri, ravi d’avoir assisté à un récit qui ne cherche pas à offrir de réponses mais à ouvrir des possibles.
Cette création douce et vivante rappelle combien les rencontres inattendues peuvent réorienter nos horizons. Les comédiens y déploient une sincérité touchante et une énergie qui rendent ce voyage intérieur agréable.
Où voir le spectacle?
Au théâtre de la Renaissance jusqu’au 11 janvier 2026