Et si la danse cessait enfin de se prendre au sérieux ? Sur scène, six danseurs, des corps assumés, une bonne dose de folie et des tutus à gogo. Ce n’est pas un gala de l’Opéra, c’est une fête déjantée où le savoir-faire se cache derrière la parodie et où l’autodérision devient un art majeur.
Depuis sa création en 2014, le spectacle signé Philippe Lafeuille et sa compagnie Les Chicos Mambo continue de faire salle comble. Partout où ils passent, les rires fusent, les jambes volent et le tulle s’envole. Ce joyeux désordre chorégraphique revisite la grande histoire de la danse, du classique au contemporain, en passant par la danse de salon. Chaque tableau est un étonnement, une blague visuelle, un hommage sincère aux artistes tout en s’amusant et en détournant les codes. Les pointes, les portés, les regards compassés, tout y passe, rien n’est épargné. Le résultat ? Un spectacle à la fois absurde, loufoque et touchant, où l’humour devient un acte de liberté. Et au fond, cette manière de rire du ballet sans jamais le ridiculiser, c’est déjà une forme de tendresse.
Ce qui frappe, c’est la diversité des corps sur scène. Des jeunes, des moins jeunes, des musclés, des velus, des glabres, des tatoués, tous beaux dans leur singularité. Les Chicos Mambo cassent les clichés avec une légèreté réjouissante. Ici, ni de perfection normée ni d’élitisme. La danse devient un terrain de jeu, un espace d’égalité où les hommes osent la grâce et le ridicule. Le tutu, symbole absolu du féminin, se transforme en manifeste joyeux contre le machisme et la rigidité des genres. Et si voir un danseur barbu faire des pointes fait grincer quelques puristes, tant mieux. C’est le signe que l’art bouge encore. Entre deux éclats de rire, on réalise que ce spectacle est aussi une leçon de liberté et d’acceptation. On admire la beauté des jambes musclés et de la grande maîtrise, sans que jamais un testicule ne s’enfuit.
La mise en scène de Philippe Lafeuille regorge d’idées et de trouvailles visuelles. Les costumes en tulle, dessinés avec soin, deviennent des objets comiques, poétiques, parfois absurdes : couches culottes, perruques, chapeaux légumes… tout est prétexte à la fantaisie. Chaque danseur se métamorphose sans cesse, dans une explosion de couleurs et d’énergie. Les clins d’œil à Dirty Dancing, à la danse contemporaine (qui fera soupirer les puristes et perdre les béotiens), ou encore au cirque, rappellent que l’art du spectacle, c’est d’abord celui du plaisir. On rit simplement, on s’étonne souvent et parfois, au détour d’un pas, on est saisi par une vraie émotion. Les sourires ne quittent pas les visages ainsi que des yeux brillants d’innocence. Ce ballet pour tous prouve que la danse peut être à la fois belle, drôle et vivante.
Un concentré d’énergie, d’humour et de talent. Tutu n’est pas seulement un spectacle de danse, c’est une déclaration d’amour au mouvement et à la liberté. À voir pour rire, vibrer et sortir du théâtre un peu plus léger qu’en entrant.
Où voir le spectacle?
Au théâtre Libre jusqu’au 11 janvier 2026
4 boulevard de Strasbourg
75010 Paris