Avec Transformers, Amine Adjina nous invite sur un ring où se croisent théâtre, cinéma et réflexion sur le corps, la violence et la transformation. Entre un coach passionné et une boxeuse novice, la pièce explore les blessures et les dépassements, qu’ils soient réels ou symboliques. Une proposition ambitieuse qui capte notre attention sans jamais la relâcher.
Comment raconter la transformation d’un physique ou d’une vie à travers un sport à l’imaginaire aussi brutal que fascinant ? Amine Adjina et Émilie Prévosteau proposent une exploration hors du commun de ces thématiques. Née d’une résidence au théâtre de la Poudrerie à Sevran, cette pièce interroge le rapport au corps, aux autres, à la place de la femme, à la violence ritualisée et à la résilience, notamment à travers la rencontre entre un coach de boxe et une novice. Pourtant, Transformers ne nous emmène pas sur les cordes d’un ring traditionnel.
Dès les premières minutes, le spectateur est plongé dans une introduction atypique où le comédien insiste sur la nature fictive de son rôle et sur ce qu’est le théâtre. Romain Dutheil, qui partage son prénom avec son personnage, flirte habilement avec les frontières entre son identité et celle qu’il incarne. Face à un public majoritairement adolescent, il démystifie le titre Transformers, précisant qu’il n’a aucun lien avec les célèbres films. Une fois ce cadre posé, le spectacle peut commencer, avec un incipit projeté sur l’écran : Celui qui écrit. Romain Dutheil va dans le public, laissant le plateau vide. « Moi, ce n’est pas moi », annonce-t-il, plantant le décor d’un jeu subtil sur l’identité et la représentation.
S’enchaînent alors des projections de films cultes sur la boxe, tels que Rocky et Raging Bull, parfois doublés de manière caricaturale par les comédiens. Malgré quelques longueurs, ces extraits permettent de plonger dans l’imaginaire cinématographique lié à la boxe : machisme, solitude, violence ordinaire, culte de l’homme fort et tentative de transcender sa classe sociale y sont magnifiquement représentés. Les interventions d’Hélène Chevallier, toujours justes, donnent à son personnage une force et une ténacité remarquables. « Le cinéma est un vecteur puissant pour transmettre une émotion », nous énonce t’on.
Lorsque la pièce revient au présent, le duo formé par le coach et la jeune boxeuse (interprétée par Hélène Chevallier, en alternance avec Émilie Prévosteau) s’installe sur le ring fictif. Les entraînements, ponctués de monologues sur les douleurs du corps, le regard des autres et les souvenirs de combats, constituent le cœur du spectacle. Les digressions, telles que la vente humoristique de barres chocolatées à 5€ ou de poupées Barbie à 50€, servent de transitions ingénieuses et critiques, apportant légèreté et réflexion.
Le premier combat de la jeune boxeuse est une scène surprenante, captivante autant par son contenu que par l’ingéniosité de sa mise en scène. Le voyeurisme discret de la préparation, où la boxeuse se prépare derrière un rideau transparent, la délimitation du ring par un simple tapis au sol et des lumières posées avec soin, témoignent de la subtilité du dispositif scénique. La comédienne incarne la vulnérabilité, la force et le dépassement de soi avec une intensité remarquable. Gagner n’est pas essentiel face à l’acte de trouver sa juste place.
La mise en scène d’Émilie Prévosteau fait preuve d’une inventivité admirable, avec un dispositif scénique minimaliste mais percutant. Chaque élément sur le plateau trouve son sens et son usage précis, comme la commode astucieusement réutilisée ou les jeux de lumière habilement orchestrés. Les comédiens, parfaitement à l’aise dans l’espace, construisent leur récit avec fluidité et prennent des risques maîtrisés, notamment en interagissant avec le public adolescent. Loin de perdre le contrôle, ils embrassent ces moments imprévus pour enrichir le spectacle et nous surprendre.
Transformers interroge le rapport au corps et à la violence dans une mise en scène étonnante et profondément humaine. On en ressort chargé d’émotions et d’interrogations sur nos propres limites, nos transformations et ce qui nous permet de nous dépasser.
Où voir le spectacle?
Au Plateau Sauvage jusqu’au 21 janvier 2025
5 rue des Plâtrières
75020 Paris