Avec Tania Dutel, l’humour devient un acte d’une radicale sincérité. Dans son nouveau spectacle, elle parle vraie, elle parle crue, mais surtout, elle parle juste. Elle livre un stand-up réjouissant, sans filtre, où les tabous explosent dans un grand éclat de rire collectif et spontané.
Sur scène, Tania est toute seule. Mais elle donne l’impression de parler pour des milliers d’individus. Sa parole touche à l’intime, au quotidien, au corps, à la gêne. Bref, elle explore tous ces endroits où l’humour ose rarement s’aventurer sans sombrer dans la vulgarité gratuite ou la provocation creuse. Elle, elle s’y promène comme chez elle et authenticité désarmante. Tout ce qu’elle aborde est personnelle. Pas besoin d’aller inventer des rebondissements absurdes quand ton quotidien est semé de dévaine. Gale « maladie du Moyen Age », constipation, fellation, flatulence vaginale « dis donc, tu m’as rempli d’air », fellation, viol, mycose vaginale, règles « c’est quelque chose à laquelle on ne s’habitue jamais », sodomie, contraception… Et même cette histoire improbable d’écureuil que vous n’êtes pas près d’oublier. Tout y passe et tout devient matière à rire, à réfléchir, à se reconnaître.
Son style? Sans demi-mesure, il est brut de décoffrage, direct. Par contre, jamais cynique. Elle ne rit pas des gens, elle rit avec eux et d’elle. Ce n’est pas de l’humour qui cherche à choquer, mais de l’humour qui libère, qui dit ce qu’on tait, qui ose nommer les choses. . Elle assume son rôle de « meuf qui dit la vérité », et c’est peut-être ça le plus fort. Dans une société qui a encore du mal à entendre certaines paroles féminines, elle se tient droite sur scène et parle de ce qu’elle aurait aimé qu’on lui explique plus tôt. Il n’est jamais trop tard pour apprendre et voir autrement. Ce qui frappe, c’est le naturel et la décontraction. Elle ne cherche pas la punchline à tout prix. Elle raconte, elle partage, elle soulève les tabous comme on ouvrirait des fenêtres dans une pièce qui sent le pet.
Et le public la suit, rit fort, souvent à gorge déployée, parfois avec un petit rire gêné. Et c’est là que ça devient beau car elle touche le point sensible que beaucoup pensent, ressentent, sans jamais oser le dire. Le malaise, quand il existe, est immédiatement rattrapé par sa bienveillance. Même les sujets les plus délicats tels les violences médicales, la solitude, les complexes trouvent leur place dans ce patchwork d’histoires crues et tendres, où l’humour devient un outil de soin. Homme ou femme, on s’y retrouve, et on en redemande. On applaudit autant son travail dans l’écriture que sa maîtrise du mot et du silence. « J’écris c’est pour rassembler », dit-elle. D’autant dans une petite salle où le public est très proche d’elle. Aucun droit à l’erreur, à l’oubli ou à la maladresse. Elle y révèle toute l’ampleur de son talent et de son savoir-faire.
Tania Dutel ne fait pas juste un spectacle, elle fait du bien. Elle nous rappelle qu’on peut rire de tout, à condition de le faire avec intelligence, audace et humanité. Et elle prouve que le stand-up peut être un miroir sincère, drôle et infiniment nécessaire.
Où voir le spectacle?
A la Scala jusqu’au 26 avril 2025 puis en tournée en France