L’intelligence et la bêtise sont-elles aussi opposées qu’on le pense ? Avec Suis-je bête ?!, Guillaume Clayssen mêle théâtre, philosophie et danse pour interroger la construction sociale de l’intelligence et la manière dont elle nous définit. Entre réflexion théorique et performance physique, ce spectacle hybride déconstruit nos certitudes et nous invite à repenser notre rapport à la connaissance et à l’apprentissage.

Dans un dispositif scénique minimaliste mais efficace, Guillaume Clayssen déploie un jeu de conférence théâtralisée où il convoque les pensées de grands philosophes (René Descartes, Gilles Deleuze et Hannah Arendt), tout en les reliant à des anecdotes personnelles et à des témoignages d’élèves ainsi que de professeurs. Ce choix d’intégrer des voix lycéennes, enregistrées en amont, ancre le spectacle dans une réalité concrète, celle d’une jeunesse confrontée aux attentes scolaires et à la peur du jugement intellectuel. Qui ne se souvient pas qu’un enseignant lui a dit, ou qu’il a entendu dire, qu’il était stupide ? Le fil rouge de la performance ne repose pas tant sur une définition figée de l’intelligence que sur une exploration de nos doutes et de nos conditionnements sociaux face à cette notion.

Mais Suis-je bête ?! ne se limite pas à un monologue érudit. La présence de la danseuse Louise Hardouin apporte une dimension corporelle qui vient percuter la parole et l’enrichir. Tandis que le comédien structure son discours avec rigueur, elle incarne la spontanéité du mouvement, suggérant une autre forme d’intelligence ainsi qu’une autre contrainte de l’école, celle qui impose la posture statique dans l’enseignement. En glissant, en chutant, en se relevant, en jouant avec les livres et les feuilles qui s’envolent, elle illustre cette idée que penser ne se limite pas à raisonner, elle engage aussi le corps, les émotions et l’imprévu. Elle sublime sa partition grâce à la beauté et à la souplesse de sa prestation.

Cette dualité entre rationalité et physicalité trouve un écho dans le choix musical. Les Variations Goldberg de Bach rythment la représentation, reflétant cette quête d’équilibre entre rigueur, liberté et fougue. Certaines transitions et certains moments mériteraient davantage de fluidité, de clarté et de brièveté pour que le dialogue entre parole et mouvement soit encore plus organique et compréhensible. Cependant, l’ensemble fonctionne grâce à l’énergie communicative des interprètes et à la force des questionnements soulevés. La mise en abyme finale, qui convoque l’intelligence artificielle comme ultime miroir de notre propre perception de l’intelligence humaine, boucle la réflexion avec pertinence et ouvre des perspectives vertigineuses, même si celles-ci ne sont pas approfondies et restent en lien avec l’éducation. Leur démarche de partage se poursuit jusqu’au bout, puisqu’ils proposent 10 minutes d’échanges avec le public.

En explorant les multiples facettes de l’intelligence, ce spectacle déconstruit les jugements hâtifs et interroge la place du savoir et du rapport à l’autre dans notre société. Plus qu’une simple performance scénique, Suis-je bête ?! est une invitation à repenser l’acte même d’apprendre, dans toute sa complexité et sa sensibilité. Une proposition originale et stimulante, qui réussit le pari de conjuguer exigence intellectuelle et mouvement du corps.

Où voir le spectacle? 
Au théâtre de Belleville jusqu’au 25 février 2025

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