Dès notre arrivée dans la salle, une émotion délicate s’installe, presque comme une pluie fine nous enveloppant. Très vite, la comédienne occupe pleinement l’espace et ce vide laissé par l’absence de l’autre devient palpable. On entre dans un monde de mémoire, d’amour et d’ombres, traversé de la beauté des liens invisibles.

La pièce rend hommage, avec une délicatesse rare, à un lien exceptionnel entre une maîtresse et son chien. Le lien avec les canins ne date pas d’hier. Depuis toujours, elle a été proche d’eux. « Les chiens de l’enfance, c’était ma bande de copains. » Sur scène, l’incroyable Marie-Hélène Goudet possède une présence vibrante, capable de rendre visibles les temps partagés, les silences, les poils, les regards, les promenades dans la forêt…. Son talent est indéniable et elle le prouve en incarnant cette femme amoureuse des animaux et de la nature. « Voici le moment de te raconter mon chien. » Dès le premier regard, c’est l’amour fou qui naît. Qui aurait pu prédire qu’une petite annonce allait donner naissance à un tel récit. « La terre entière va trembler devant tant de beauté. » Il s’émerveille de tout avec simplicité. « Un antidote à la morosité. » Puis elle rencontre Mathilde. « On se ressemble. » et ils aiment ensemble cette grosse boule de poil. Dorénavant, ils forment « une meute qui se jure fidélité. »

Sur le plateau, nous sommes entourés de troncs de bouleaux, installant une nature à la fois enveloppante et mystérieuse. La lumière de Richard Arselin sculpte les ombres comme des respirations. L’adaptation de Véronique Boutonnet choisit un point de vue féminin, renouvelant le récit originel sans trahir sa sensibilité. Le lien unissant les deux êtres sans mot devient un fil ténu mais solide. La musique de Glaze Furtivo enveloppe l’ensemble de manière aérienne, légère et discrète. Elle créée un espace poétique, presque féérique. On rit, on tend l’oreille, on retient son souffle, on pleure, les yeux grands ouverts et les émotions chamboulées.

Une autre dimension importante est celle du passage du temps et de la finitude. Le texte explore comment le quotidien banal telles les caresses, les promenades, les saisons, tisse ce que l’on appelle une vie. « Je croyais au pouvoir des chiens, des magiciens, des sorciers. » Et il explore surtout comment la perte dérange cet ordre avec une violence inattendue. Il ne reste plus que l’absence. Dorénavant, d’Ubac il reste son odeur, un collier, un jouet… Nos sens sont mis à l’épreuve avec l’odeur, le bruit du vent, la pluie, les feuilles. Ce spectacle invite à contempler l’amour au long cours, l’engagement silencieux, l’attention constante à l’autre même quand cet autre change de forme, s’éteint, ou s’éloigne. Il nous rappelle que le cœur peut perdurer dans l’absence, même si c’est un animal. « Ta mort est un drame et tu n’y es pour rien. » Impossible de ne pas se souvenir de ces moments avec nos animaux de compagnie, qui nous ont tant donné. On ne pouvait leur rendre un plus belle hommage à nos compagnons, qui nous donne aussi une féroce envie de se plonger dans le roman.

Son odeur après la pluie est un éclat de beauté fragile, exceptionnelle et puissant. C’est un théâtre du sensible et du partage qui touche sincèrement. Un spectacle qui fait vibrer, résonner et réveille les souvenirs.

Où voir le spectacle? 
Au Lucernaire jusqu’au 9 novembre 2025

 

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