La pièce Simone en aparté relève ce défi avec une subtilité poignante. Adaptée de l’autobiographie de Simone Veil, Une vie, la production se distingue par une mise en scène intimiste, lumineuse et profondément humaniste, offrant un portrait émouvant de cette grande figure française.

Le spectacle débute au pays d’Auge, où Simone Veil aimait se ressourcer, loin des tourments de ses responsabilités politiques. La scène de l’enfance à Nice dévoile une jeune Simone, entourée de ses parents et de ses frères et sœurs, vivant les premiers frissons d’une jeunesse rebelle pourtant bientôt brisée par la haine. L’un des moments les plus marquants de la pièce repose sur l’insulte antisémite qu’elle subit à l’école : « Ta mère brûlera en enfer », une violence symbolique de l’antisémitisme rampant de l’époque. Malgré ces épreuves, Simone, juive et laïque, continue de vivre sous un faux nom, « Jacquier », jusqu’à son arrestation par la Gestapo après ses examens. Le récit de sa déportation vers Auschwitz-Birkenau, où elle endure la faim, le froid et les humiliations, est interprété avec une puissance et une émotion saisissantes. La comédienne incarne les horreurs des camps sans surcharger la scène de pathos, tout en transmettant l’indélébile empreinte de ce traumatisme. Ces blessures, causées par la perte de ses proches et d’amis, resteront à jamais ouvertes.

Sophie Caritté, dans le rôle de Simone Veil, livre une prestation émouvante, captivante et d’une grande justesse. Sa ressemblance physique avec l’ancienne ministre est frappante, renforcée par des attitudes, des gestes, des postures, des  coiffures ainsi que des tenues soigneusement choisies par Yolène Guais. Mais c’est surtout par son jeu subtil et sa voix saisissante que l’actrice donne vie à cette femme d’exception. Entre froideur et émotion, la comédienne incarne parfaitement la complexité de Simone Veil. Une femme qui, après avoir survécu à l’horreur, choisit de vivre pleinement, de défendre les droits des femmes, de lutter pour la paix et la justice.

La mise en scène d’Arnaud Aubert, minimaliste et puissante, joue sur des éléments visuels forts. Un praticable blanc se transforme au fil de la pièce en toboggan, en pupitre à l »Assemblée ou en lieu de réflexion, devenant un outil visuel étonnant. Le chatoiement des lumières et les projections sont utilisés de manière poétique et parfois provocante, frôlant même l’agressivité, pour représenter les différents espaces mentaux de Simone. On y découvre aussi bien des souvenirs d’une enfance heureuse à l’évocation de ses combats politiques. Simone en aparté n’est pas seulement un récit biographique. C’est un voyage dans l’intime, un appel à la mémoire et à l’engagement. La pièce rappelle avec force que ces luttes, loin d’être terminées, restent d’une actualité brûlante.

L’évocation des combats politiques de Simone Veil, en particulier celui en faveur de l’avortement, est poignante. À l’Assemblée nationale, elle affronte des adversaires misogynes et des critiques odieuses, cependant elle fait preuve d’une force intérieure inébranlable. Dans son féminisme, Simone Veil ne se limite pas à défendre les droits des femmes. Elle milite aussi pour l’indépendance de pensée, la dignité humaine et la justice sociale. Le passage où elle évoque la loi Veil, adoptée en 1975, résonne particulièrement aujourd’hui, dans un contexte où les droits des femmes continuent d’être remis en question dans de nombreux pays au monde.

Le spectacle met également en lumière les luttes pour la dignité humaine et la paix, qui ont marqué toute la vie de Simone Veil. Devenue la première femme ministre titulaire en France, Simone Veil a fait progresser la cause des femmes, des malades, des prisonniers, et de la solidarité européenne. Ses combats pour l’autonomie des femmes, pour l’éducation et pour la justice sont au cœur de cette œuvre, qui les restitue de manière poignante et inspirante. Une femme forte, avant tout humaine, capable d’éprouver une immense tendresse tout en restant fidèle à ses principes. Cette femme incroyable a marqué l’histoire non seulement par son courage et ses combats, mais aussi par sa capacité à naviguer dans un monde d’hommes sans jamais se laisser détourner de ses idéaux. Le titre de la pièce, qui se limite à son prénom, souligne l’universalité de son héritage et la reconnaissance qu’elle inspire.

Simone en aparté n’est pas seulement un portrait biographique. C’est une réflexion sur le courage, l’engagement et la résilience. La pièce offre une magnifique leçon d’humanisme, à voir absolument, pour se souvenir, pour réfléchir, pour s’engager et pour célébrer la mémoire de Simone Veil, figure incontournable de l’histoire politique et humaine de la France.

Où voir le spectacle? 
Au Studio Hebertot jusqu’au 15 janvier 2025
78 bis Boulevard de Batignolles
75017 Paris

Espace culturel P. Torreton – St-Pierre-lès-Elbeufs (76) – Samedi 8 mars 2025 à 20h30

Théâtre Le Passage – Fécamp (76) – Mardi 29 avril 2025 à 14h30 et 20h30

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