Un voyage plein de douceur se propose à nous, mêlant mots, mélodies et instants suspendus. On ressent d’emblée une tendresse particulière pour un artiste peuplé de singularités, peu soucieux de suivre les courants dominants. Le spectacle réconcilie écoute, curiosité et plaisir artistique dans un écrin presque intime.
Erik Satie apparaît ici dans toute sa trempe d’auteur à la fois discret et provocateur. On le découvre à travers ses textes, poétiques, drôles, parfois absurdes qui donnent à voir un homme qui observait le monde avec une lucidité tendre et caustique. Le choix des extraits des lettres, des aphorismes et des réflexions révèle un Satie plus qu’un musicien, un intellectuel sensible aux bruits de la vie, aux modes, aux saisons de l’âme. Ce comité de mots se mêle aux compositions musicales, aux silences, aux rythmes lents ou légers, pour dessiner une œuvre composite qui ne ressemble à aucune autre.
François Marthouret incarne le compositeur avec finesse, passion, nuances, en amenant le public par sa diction minutieuse, ses inflexions et ses silences qui donnent du relief aux textes. Christiane Gugger, au piano, accompagne avec délicatesse et sensibilité, trouvant l’équilibre entre simplicité apparente et richesse harmonique, entre nuances lyriques et moments plus légers. On sent une connivence très professionnelle entre les deux artistes, qui n’hésitent jamais à se lancer des oeillades. La scénographie joue un rôle essentiel pour faire apparaître les pauses, les respirations musicales et les transitions entre lecture et musique.
Ce spectacle surprend par sa quiétude qui n’ose pas trop sortir des chemins battus. Mais quelle magnifique occasion de célébrer un centenaire de disparition qui prend ici des airs de manifeste poétique, réhabiliter les écrits moins connus de l’artiste. On rit des remarques absurdes, on sourit devant des instants de mélancolie, on est touché par ce souffle de liberté qui court entre les notes silencieuses. L’émotion naît de ce contraste entre le sérieux apparent et la douce fantaisie.
Au théâtre de Poche jusqu’au 29 septembre 2025