Quand le silence s’installe, on sent qu’on va quitter les rives du théâtre ordinaire pour plonger dans une pensée vivante et dense. Le plateau se réduit à l’acteur seul qui devient point de convergence entre les idées et les corps. On sort de cette expérience troublé, habité, convaincu que le temps lui-même vient d’être revisité.

L’audace première de ce projet réside dans son pari. Il faut rendre tangible, incarnée, une méditation philosophique abstraite d’un auteur de l’antiquité tardive. Stanislas Roquette, seul en scène, se glisse dans les habits de saint Augustin et dissèque ses Confessions avec un engagement total, qui transforme chaque mot en pulsation de vie ainsi que doute. Il fait résonner les paradoxes du temps avec le présent qui fuit, le passé qui se ramène, le futur qui s’échappe. Son charme naturel contribue aussi à l’attention du public. Un artiste qui a plus d’un talent dans son carcan.

La mise en scène de Denis Guénoun refuse les effets spectaculaires. Elle laisse le comédien occuper l’espace comme autant de temporalités à traverser. Il réfléchit assis, saute, bondit, tombe avec un enthousiasme habité. On ressent alors que l’œuvre n’est pas simplement une adaptation, mais une rencontre audacieuse entre une pensée ancienne et une présence contemporaine. Le texte de Saint Augustin est ici recréé, revisité, transposé à hauteur d’homme, sans concession. Le pari est tenu : le spectateur n’est plus uniquement spectateur de la philosophie, il en devient participant, porté par l’ardeur et la finesse de l’acteur. Parfois, le sommeil vient face à l’apprêté d’une réflexion qui demande quelques moments de pause réflexive. Cela contribue aussi à l’appréciation d’une oeuvre marquante et nous pousse à aller plus loin. Notre curiosité est secouée et nous donne envie de nous replonger dans les réflexions d’Etienne Klein, plus concrète et compréhensible.

Cette version de Qu’est-ce que le temps ? est un acte de théâtre engagé, exigeant et phosphorant. Stanislas Roquette y atteint une incarnation d’une grande puissance, qui tombe rarement dans l’ostentation. Il nous captive et nous interroge vraiment sur cette notion de temps.

Où voir le spectacle? 
Au théâtre de Poche jusqu’au 29 novembre 2025

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