Punk.e.s, c’est la décharge d’adrénaline qu’on attendait. Justine Heynemann et Rachel Arditi nous plongent dans un tourbillon punk, direct et sans concession. Un hommage vibrant aux jeunes femmes en colère des années 70, celles qui ont osé briser les codes et fait trembler l’industrie musicale. La scène crache du son, de l’énergie et une irrévérence qui capte l’essence du mouvement.
La mise en scène brute, presque chaotique, rappelle un hangar mal éclairé où des filles débraillées luttent pour s’imposer dans un univers masculin. Le décor, composé de néons et de murs qui se déchirent, reflète parfaitement l’atmosphère de l’époque. La musique, enragée et débridée, accompagne cette lutte, incarnant à la fois le danger et la rage. Chaque note, chaque riff dégage une colère viscérale et des revendications brûlantes. Les artistes ne se contentent pas de jouer, elles incarnent. Elles ne sont pas de simples muses du punk. Elles en deviennent les symboles vivants. La révolte s’exprime dans chaque mouvement, chaque accord de guitare et chaque silence, jusqu’à nous forcer à ressentir, dans toute sa crudité, l’esprit punk.
Le spectacle dépasse la biographie musicale des Slits. Il raconte l’histoire de femmes qui ont choisi de s’affirmer envers et contre tout. Ce n’est pas une simple narration : c’est un cri qui traverse les âges, un hurlement collectif face à l’oppression.
Charlotte Avias, en Ari Up, est une tornade d’énergie. Sa voix rauque et son regard indomptable traduisent l’esprit rebelle de la jeune chanteuse. « Je veux crier au monde que je suis Pathie Smith ». Salomé Diénis Meulien, en Palmolive, incarne une sensualité mordante qui contraste avec le chaos ambiant tout en y tenant tête. Camille Timmerman en Viv Albertine, dévoile un personnage déchiré entre doutes et rébellion, confronté à des choix violents comme l’avortement clandestin. Les injustices patriarcales, loin de s’atténuer avec l’arrivée au pouvoir de Margaret Thatcher, s’aggravent dans un contexte conservateur qui étouffe et opprime. Kim Verschueren, en Tessa Pollitt, incarne la fragilité d’une femme brisée par une peine de cœur, cherchant un échappatoire dans la drogue. Enfin, Rachel Arditi, en Nora Forster, impose une présence magnétique : une femme de poigne prête à tout pour soutenir sa fille et l’aider à réaliser ses rêves. Elle dégage une force brute et une autorité naturelle.
La pièce oscille entre colère et liberté. La scène d’ensemble de fin sur Typical Girls devient un véritable cri de révolte et un hymne à la sororité. Elles en ont ras la chatte: « On nique la Reine d’Angleterre ! »
Les performances surprennent par leur intensité brute. James Borniche, tour à tour Sid Vicious et Mick Jones, apporte une touche masculine percutante : à la fois persécuteur, musicien et reflet d’un système patriarcal. Son jeu incarne la provocation avec une vulnérabilité sous-jacente. Sur scène, rien n’est lisse, rien n’est édulcoré. Les interprètes nous entraînent dans une transe électrique où les émotions brutes explosent, tandis que des moments plus doux explorent les failles individuelles.
La bande-son est le cœur battant du spectacle. Chaque morceau, comme Should I Stay or Should I Go, résonne comme un appel à la liberté. Les arrangements, intensément retravaillés, nous projettent dans une époque où le chaos nourrissait la créativité. Chaque vibration de corde évoque un cri, un désir de changer le monde. Pour ces femmes, cette période a tout transformé : « Un jour, j’ai appris à aimer. » « Un jour, je suis devenue irremplaçable. » « Un jour, j’ai compris qu’écouter, c’était aussi résister. »…
Punk.e.s est une déflagration d’énergie pure. Un spectacle brut, puissant, qui respire la rébellion et l’émancipation. Les Slits surgissent des années 70 plus vivantes que jamais, rappelant qu’être une femme dans un monde punk, c’est se battre, hurler sa vérité et ne jamais se taire. Parce qu’au fond, le punk n’est pas qu’un genre musical : c’est un cri de liberté, un mode de vie.
5 nominations aux Trophées de la Comédie Musicale 2024
Trophée du Meilleur spectacle
Trophée de la mise en scène – Justine Heynemann
Trophée du livret – Rachel Arditi et Justine Heynemann
Trophée du 2nd rôle féminin – Rachel Arditi
Trophée de l’artiste révélation féminine – Charlotte Avias
Où voir le spectacle?
A la Scala jusqu’au 30 mars 2025
13, boulevard de Strasbourg
75010 Paris