Dès les premières notes, Maud Lübeck nous entraîne dans un voyage intime où la musique et les mots se mêlent pour raconter des choses très personnelles. Aux côtés de Clotilde Hesme, dont la voix vibrante donnent chair aux souvenirs, elles proposent une œuvre d’une grande délicatesse et fragilité.
Dans Privé S.V.P., Maud Lübeck nous offre bien plus qu’un simple spectacle. Elle nous convie à une traversée intime, où la musique et le texte s’entrelacent pour dire l’indicible, la perte, le deuil et la mémoire persistante d’un amour adolescent foudroyé par la fatalité. À travers un dispositif scénique à la fois sobre et immersif, elle parvient à transformer son chagrin en une création où chaque mot, chaque note, semble suspendue entre deux temps, entre le passé et le présent, entre la douleur et l’apaisement.
Sur scène, Clotilde Hesme prête sa voix à l’autrice, incarnant cette adolescente marquée à jamais par la disparition de Claude, figure aimée et sublimée dont l’écho continue de hanter la création de Maud Lübeck. Le dialogue entre la comédienne et la musicienne ne se limite pas à une simple lecture. Cela fait émerger un jeu d’échos, un passage de témoin, de confiance entre le dit et le chanté. Clotilde Hesme d’une sobriété lumineuse, fait résonner ces fragments de journal intime avec une retenue pleine de délicatesse. Impossible de ne pas y entendre une voix Fip.
Le dispositif scénique renforce cette atmosphère suspendue grâce à un piano, à un violon et à un violoncelle. En plus, on voit quelques chaises et en arrière-plan, des images projetées du journal intime qui viennent donner une matérialité aux souvenirs. Des photographies, des croquis, des bribes de textes griffonnés, autant de vestiges d’une adolescence foudroyée par ses premiers émois qui tente de recomposer, comme pour conjurer l’oubli. La musique agit ici comme un fil conducteur mystique où le manque devient harmonie.
On pourrait croire que l’on va tomber uniquement dans une élégie figée dans la tristesse qui n’en finit jamais. Cela serait ignoré l’angle sur la résilience, sur la capacité de l’art à métamorphoser la douleur en beauté. En retraçant cette histoire d’amour inachevée, qui n’aurait peut être d’ailleurs jamais existé. Maud Lübeck ne cherche pas seulement à rendre hommage à Claude. C’est aussi une occasion de questionner la nature même du deuil : comment vit-on avec une absence ? comment un premier amour imaginaire peut bouleverser une vie? est-ce que les croyances dans l’au-delà changent notre rapport à la vie?
Privé S.V.P. n’est pas simplement un spectacle sur le deuil. C’est une célébration de la mémoire, un chant intime et universel sur ces absences qui continuent de nous habiter. Le duo Lübeck-Hesme fonctionne à merveille, comme une conversation à travers le temps, une tentative de recoller les morceaux d’une histoire qui ne s’est jamais refermée.