Dès les premières secondes, le ton est donné. On va rire, apprendre, douter, chanter… et peut-être même danser. Hortense Belhôte ne donne pas une conférence, elle électrise l’histoire avec une énergie militante et une audace jubilatoire. Avec Portraits de famille, elle fait exploser les cadres figés de notre mémoire nationale.

Car enfin, qui sont les “vrais” héros de 1789 ? Certainement pas ceux qu’on panthéonise à l’envi dans les manuels scolaires. Dans un dispositif scénique pop et coloré, Hortense Belhôte convoque une galerie d’oublié·es hauts en couleur : Jeanne du Barry et son page Zamor, Thomas Alexandre Dumas, Jean Amilcar, Claire de Duras, le Chevalier d’Éon… Douze figures écartées de la grande histoire pour des raisons de couleur de peau, de genre ou de classe. Ce spectacle est une revanche joyeuse, érudite et drôlatique contre les récits dominants. Pour rendre son propos accessible et frappant, elle mobilise la culture populaire : Pokémon, les Sims, des joueurs de foot… Des références qui parlent à plusieurs générations et facilitent les parallèles entre passé et présent. C’est intelligent, audacieux et diablement efficace.

Dans cette performance hybride, mi-stand-up, mi-cours magistral, la comédienne mêle vidéo-projections, anecdotes personnelles et mimiques hilarantes dans sa démarche de vulgarisation. Son style est percutant, sa parole est libre, impertinente, parfois grave, jamais professorale. On rit franchement quand elle mime la fuite à Varennes ou chevauche un coq gonflable tricolore, mais derrière chaque éclat de rire, une vérité profonde s’impose. D’autant plus, qu’elle n’hésite jamais à faire participer les spectateurs, dans une adresse directe, complice, et joyeusement subversive. La musique discrète permet plus facilement de s’immerger et d’être emporté dans le flot rapide d’informations. Car au fond, ce que rappelle Portraits de famille, c’est que notre Histoire est bien plus riche, bien plus multiple qu’on ne le pense. Que les droits ne tombent jamais du ciel, qu’ils sont conquis de haute lutte et qu’ils peuvent disparaître. “La parenthèse enchantée est bel et bien refermée”, lâche-t-elle, lucide. Une phrase qui résonne d’autant plus fortement dans le climat actuel.

Hortense Belhôte donne vie à des figures que l’on croyait effacées, en les réinscrivant dans un imaginaire collectif joyeusement bousculé. Elle ne nous impose pas une leçon de morale. Elle propose une autre manière de regarder, une autre manière d’apprendre. Et son art, c’est celui de transmettre sans asséner, d’amuser sans affadir, de subvertir sans diviser. Elle invite chacun à se réapproprier l’Histoire, à y tisser des liens avec ses propres origines, à imaginer que, oui, peut-être, nos ancêtres aussi ont joué un rôle, à leur échelle.

Un spectacle à voir, à revoir, à faire tourner. Parce qu’il réveille ce que le théâtre peut avoir de plus puissant : rendre visible ce qui ne l’était pas et donner à penser tout en divertissant. Portraits de famille n’est pas qu’un “one-woman show” savant et queer, c’est un acte d’amour pour la vérité historique, et une claque salvatrice aux figures toutes faites du roman national.

Découvrir les sources du spectacle sur le site d’Hortense Belhôte.

Où voir le spectacle? 
Au théâtre de l’Atelier jusqu’au 18 juin 2025
les mardis à 19h00

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