Sur la scène, la tragédie s’installe dans un décor d’un autre siècle avec dorures, peintures et cheminée. L’ambition semble être de revisiter un grand classique avec respect, sans fioritures ni modernité forcée. Pourtant, la passion attendue peine à naître et la salle s’enfonce dans une lenteur pesante.
Cette relecture de la tragédie, que l’on pourrait catégorisé d’intemporel, manque singulièrement de souffle. Les comédiens déclament plus qu’ils ne jouent, les voix s’enchaînent sur le même ton, comme si la diction racinienne devait suffire à tout exprimer. Or, l’absence de nuances émotionnelles finit par anesthésier le texte, pourtant assez incandescents. La tragédie, ici, n’émeut pas. Elle s’écoute distraitement, sans jamais nous saisir. Pire encore, le sommeil nous attire et nous sommes plusieurs à s’endormir. On aurait aimé sentir la fièvre, la honte, la violence des désirs et non une succession de vers récités mécaniquement. Le rythme monotone étouffe toute tension dramatique et rien de la mise en scène ne parvient pas à redonner vie à la fureur des dieux. Ce théâtre de la bienséance semble plus soucieux de diction que de vibration.
Visuellement, le spectacle se veut classique jusqu’à l’excès. Les costumes d’inspiration XVIIᵉ, lourds et conventionnels, ne dialoguent jamais avec le présent. Le décor, statique, s’impose comme une cage dorée où rien ne respire. Tout semble figé, comme si la beauté du cadre devait remplacer la profondeur des émotions. La lumière, tamisée et uniforme, contribue à cet effet d’endormissement, plongeant le spectateur dans une torpeur trop polie. On sent l’ambition d’un hommage à la tragédie originelle. On peut y voire une réminiscence du travail de Médée à la Comédie Française avec la mise en scène de Lisaboa Houbrechts mais sans l’intensité ni la rigueur esthétique. Par exemple, Bakary Sangaré dans le rôle de la nourrice et fait des apartés au public avec une phrase récurrente. Là, c’est Jacky Ido qui joue ce rôle en répétant « Hélas » jusqu’à faire participer la public. C’est le seul comédien qui fait vibre la pièce. Là où Médée brûlait, Phèdre de Muriel Mayette-Holtz, ancienne patronne de la Comédie Française, ici s’éteint doucement.
Ce qui frappe enfin, c’est la distance entre les mots et les corps. Aucun frisson, aucune faille, aucune folie. Tout semble contrôlé, maîtrisé, au point d’en perdre toute humanité. La pièce, pourtant écrite pour le feu et les larmes, se réduit à un exercice académique. On est d’abord attentif, puis on finit par décrocher, comme hypnotisé par une belle monotonie. Le théâtre devient ici un musée : impeccable, figé, sans vie. Et c’est bien cela, le drame.
Où voir le spectacle?
A la Scala jusqu’au 26 octobre 2025