
Il est des spectacles qui surprennent par leur audace et leur folie douce. Peau d’homme ose aborder des sujets brûlants tout en restant profondément poétique, drôle et accessible. C’est un conte moderne et satirique qui interroge notre rapport à la liberté, à la révolte, au corps et à la tolérance.
Adaptée de la bande dessinée de Hubert et Zanzim, l’histoire se déroule dans une époque fictive rappelant la Renaissance italienne. On y suit Bianca, jeune femme promise à un mariage arrangé, qui découvre une mystérieuse peau d’homme lui permettant de vivre dans le corps d’un homme et de comprendre l’autre moitié du monde. Cette fable sur la découverte de soi et la lutte contre les normes sociales prend vie sur scène avec une énergie forte. Le spectacle ose parler d’amour, de désir et d’identité avec une franchise audacieuse. Sous ses airs de comédie baroque, il questionne des thèmes universels : l’hypocrisie religieuse, la domination masculine, le poids des conventions, la chosification des femmes et la peur de la différence. Chaque scène, tour à tour drôle et cruelle, éclaire les zones d’ombre d’une société corsetée par la morale et le pouvoir. On rit, on s’étonne, on s’émeut face à cette galerie de personnages aussi loufoques qu’émouvants. On se surprend à réfléchir sur notre époque qui, malgré les siècles écoulés, n’a pas tant changé.

La mise en scène, d’une belle inventivité, de Léna Breban compense largement les moyens limités. Quelques panneaux mobiles, des costumes qui font faux aussi bien dans la coupe que les couleurs, des perruques qui font plastiques et le tour est joué : tout devient théâtre. Même pour les compétences de chant où l’on est loin d’une grande maîtrise. Loin d’être un défaut, ce côté fait main apporte une touche de fantaisie et de sincérité qui colle parfaitement au ton de la pièce. On y sent la joie du jeu, la passion de raconter, la jubilation du collectif. Léna Breban, Pauline Cheviller, Emmanuelle Rivière, Valentin Rolland, Aurore Streich, Adrien Urso, Régis Vallée, Jean-Baptiste Darosey, Vincent Vanhée, Camille Favre-Bulle d’une générosité éclatante, se métamorphosent sans cesse, incarnant une multitude de rôles avec un enthousiasme communicatif. Leur engagement donne au texte une force immédiate, militante et rebelle. Pas besoin de grands effets ou de technologies comme des écrans que l’on voit partout. Ici, la force des mots, des gestes et des idées suffit. Le théâtre retrouve son essence, celle du partage, du rire et de la réflexion réunis.
Sous sa légèreté apparente, le spectacle porte un message puissant. Il célèbre la diversité, l’amour sous toutes ses formes et dénonce avec une ironie cinglante l’intolérance et le patriarcat. L’homosexualité, la liberté sexuelle, la condition des femmes sont abordées frontalement, sans détours ni moralisation. Les dialogues, parfois tendres, parfois féroces, dessinent un univers où la beauté réside dans la différence. On retrouve cette audace, ce courage, cette témérité qui manque souvent aux grandes productions ainsi que cette envie de faire du théâtre un lieu de débat, d’espoir et de résistance. La pièce ne cherche pas à plaire à tout le monde. Elle dérange, elle questionne et elle bouleverse, d’autant plus en période où les populistes gagnent en popularité. C’est ce qui la rend précieuse : un acte de création libre dans un monde qui se ferme.
Un spectacle audacieux, drôle et profondément nécessaire. Une fable moderne qui interroge les certitudes et célèbre la liberté d’aimer.
Où voir le spectacle?
A la comédie des Champs-Elysées jusqu’au 25 janvier 2026