Une fable déjantée prend soudain l’allure d’un miroir tendre posé devant nos propres absurdités collectives. Un village s’agite, perd ses repères, puis se rassemble autour d’une cause aussi fragile qu’essentielle : la culture. Dans cette atmosphère électrique, un humour vif et une inventivité permanente composent un spectacle à la fois burlesque, politique et profondément joyeux.

Le parcours proposé par le Mustang Collectif s’impose d’emblée comme une aventure théâtrale rare, où chaque geste sert la satire et chaque scène ouvre une réflexion nouvelle. L’intrigue s’ancre dans la petite ville de Gouzin, territoire fictif dont les problèmes résonnent étrangement avec ceux de nos communes réelles. On trouve un maire dépassé, confronté à des coupes budgétaires, qui doit choisir entre les besoins essentiels et la vie associative qui façonne le lien social. Le récit glisse alors vers une lutte menée par un groupe d’irréductibles bénévoles, dont l’énergie contagieuse transforme l’injustice en mouvement de résistance. La présence d’une méduse volubile, personnage irrésistible, ajoute un grain de folie qui rend l’ensemble à la fois déroutant et cohérent. Derrière les gags, une pensée se déploie. Ce qui semble futile tels un local, une fête, une tradition devient le cœur battant d’une communauté. Le spectacle prouve que le rire peut contenir une force critique redoutable et rappeler ce que l’on perd lorsque l’on sacrifie la culture sur l’autel de l’austérité.

La grande originalité du projet tient également à la manière dont les comédiens composent une galerie d’identités singulières, rendant chaque personnage immédiatement attachant. Les masques conçus par Estelle Clément donnent une identité puissante, modifiant subtilement les visages et renforçant le comique de situations. Cette métamorphose permet au jeu de s’élever vers un burlesque raffiné, où les corps parlent autant que les mots. Nusch Batut Guiraud, Mathilde Bellanger, Aurélien Fontaine, Louis Loutz et Myra Zbib brillent par leur précision, leur timing millimétré et leur sens aigu de l’autodérision. Leurs énergies se complètent, créant un chœur désaccordé en apparence, pourtant parfaitement orchestré. La scénographie minimaliste d’Agathe Roger et Maxime Roger, portée par des lumières signées Camille Monchy, donne un écrin vivant à ce petit monde en lutte. L’ensemble forme une fresque enthousiasmante, traversée de poésie et d’insolence tendre.

La vitalité de ce spectacle atteint son maximum lors du cabaret final, qui transforme la salle en véritable terrain de fête réjouissant. On chante, rit, entraîné par la ferveur de cette troupe qui sait fabriquer du collectif avec peu de moyens. La partition musicale d’Alex Bernard tisse des respirations lumineuses et prolonge l’esprit carnavalesque revendiqué. Tout dans cette création respire le partage, la transmission, l’audace, l’amour du théâtre populaire et l’envie d’interroger notre monde sans lourdeur. On ressort de cette soirée, galvanisée, avec l’impression d’avoir vécu une célébration sincère, généreuse, capable de remettre du sens là où la morosité s’installe. Une réussite qui prouve que l’imagination et l’audace demeure une arme douce et puissante.

Un moment d’inventivité réjouissante et profondément humain qui remonte le moral. Une troupe qui redonne au collectif sa noblesse la plus vivante.
Un spectacle à savourer avec l’esprit ouvert et l’envie de célébrer ensemble.

Où voir le spectacle? 
Au théâtre du Chariot jusqu’au 30 novembre 2025

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