
Un homme se présente à nous comme un fragment du monde, déroutant et fragile, oscillant entre la douceur et le chaos intérieur. Son récit se déplie par vagues successives, touchant par instants, insaisissable à d’autres moments. On comprend vite qu’ici, tout repose sur la parole d’un être en marge, chargé d’ombres et de rêves mêlés.
Le texte de Francesco Niccolini donne voix à un personnage enfermé depuis l’enfance, façonné par l’isolement et l’incompréhension, dont l’humanité affleure pourtant sous chaque évocation de son passé. Oreste, incarné par Claudio Casadio, se révèle attachant par la sincérité de ses maladresses, ses élans naïfs, ses souvenirs falaises. On s’attache par intermittence à ces confidences, même si le récit progresse parfois par détours qui diluent l’intensité dramatique. Son imaginaire se peuple de figures réelles ou inventées, avec en point d’ancrage Hermès, confident invisible, compagnon fantasmé qui éclaire les zones les plus vulnérables du personnage. Les thèmes de l’abandon, de la folie intime et du besoin de reconnaissance se croisent dans une prose sensible, qui effleure davantage qu’elle ne creuse. Ce théâtre de l’entre-deux séduit dans ses intentions, même s’il peine à captiver durablement par son rythme sinueux.

La mise en scène de Giuseppe Marini déploie un espace visuel travaillé, où l’onirisme se nourrit de projections et d’illustrations signées Andrea Bruno. Ces animations, délicates et brutes à la fois, construisent un dialogue poétique entre le monde intérieur d’Oreste et la réalité nue du plateau. La musique de Paolo Coletta apporte des respirations enveloppantes, renforçant l’impression de flotter dans un demi-sommeil où l’on accepte de se perdre. Ce travail visuel et sonore soutient l’émotion, même si l’ensemble manque parfois d’unité dans la progression dramaturgique. L’idée d’un imaginaire qui déborde par images successives demeure forte, donnant relief et contraste au monologue. La lumière de Michele Lavanga tisse des zones de clair-obscur évocatrices, rappelant la porosité entre réalité et délire. Ce dispositif scénique soigné constitue l’un des points les plus convaincants du spectacle.
Claudio Casadio porte le rôle avec une intensité palpable, oscillant entre la tendresse, l’égarement et une forme de lucidité poignante. Son interprétation trouve une authenticité touchante, soutenue par une gestuelle retenue et une voix qui glisse entre l’aveu et la confidence. La performance invite à l’écoute, à la patience, à l’accueil de ce personnage cabossé par l’existence et l’horreur. Certaines scènes parviennent à toucher, révélant la profondeur des blessures enfouies. Pourtant l’ensemble manque parfois d’élan pour entraîner pleinement le spectateur, comme si le récit restait au seuil de l’émotion sans franchir complètement la porte.
Une proposition sensible, portée par une interprétation sincère qui nous propose un bel univers visuel, entre rêve et déchirure.