Dans ce seul en scène poignant, Viktor Kyrylov livre un témoignage intime sur la guerre, l’exil et l’identité fracturée. Ancien étudiant à Moscou, l’Ukrainien de naissance, se raconte avec une sincérité touchante. Entre récit personnel et mémoire collective, le spectacle ouvre une brèche de vérité sur la violence de l’Histoire en marche.

Sur scène, une table, une chaise, des livres et un écran pour quelques projections vidéo, il n’en faut guère plus. Cela suffit amplement pour rencontrer le comédien, qui seul fait face à son passé et son avenir. Viktor Kyrylov s’incarne dans sa propre histoire, celle d’un jeune homme happé par la guerre alors qu’il poursuivait son rêve d’acteur à Moscou. Il subit un véritable déchirement culturel entre sa terre natale et sa terre de coeur. Est-ce possible de choisir? La Russie, autrefois pays d’adoption, devient brutalement l’envahisseur. La langue russe, langue maternelle, se transforme en langue ennemie. Il évoque les premières attaques, les appels inquiets à sa famille -« Qu’est-ce qui a commencé maman? » -, l’angoisse au bout du fil à chaque fois, sa fuite vers la France. « Qu’est-ce que je vais raconter? ». Pour nous, que représente son pays ? Un pays lointain? Un ancien pays de l’Est? Sa culture souvent réduite à des clichés – vodka, froid, bortsch… Pour lui, ces lieux sont concrets : l’île aux cygnes, Odessa, Kiev, peuplés de souvenirs tendres et douloureux.

« En quelle langue faut-il que je parle? ». C’est alors en français – cette langue-refuge – qu’il choisit de tout raconter. « Par quoi commencer? », dit-il, « Premier jour, premier mois, première année? ». À travers ses mots simples et forts, Viktor évoque sa fuite, son sentiment de trahison, le deuil d’une amitié, la culpabilité de ne pas être rentré combattre et surtout l’amour intact pour son pays meurtri. Il évoque aussi l’amour inconditionnel de sa famille, qui lui demande de partir pour rester en vie : « Je vais vivre, maman. » Son récit personnel s’entrelace à une fresque historique plus vaste, portée par une cartographie animée retraçant l’Histoire tourmentée de l’Ukraine. Mais le cœur du spectacle reste cette parole vibrante, fragile, qui cherche un espace pour se poser. Un documentaire animalier permet de poser une question qui concerne universelle. « Où commence la maison de l’un et où finit l’autre? ». Il maîtrise ses mots et les manie avec brio, toujours sans pathos gratuit et avec une grande pudeur. « Maintenant je n’écris plus qu’en français » touche sincèrement laissant la salle bouleversée et les yeux embués.

Face à la brutalité du monde, Viktor oppose la puissance de l’art. Ce jeune homme, qui rêvait de planches et non de champs de bataille, nous rappelle que le théâtre peut être un acte de survie, un cri contre l’oubli et la violence.

Où voir le spectacle? 
Au théâtre de Belleville jusqu’au 29 juin 2025
16 Passage Piver
75011  Paris

Aidez la création du spectacle auto-biographique de Viktor Kyrylov, en participant au crowdfunding du spectacle. 

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