Dès les premières instants, une énergie et une colère saisissent la salle et la transforme en véritable bouillonnement. Les dialogues fusent, les corps se répondent et la musique en live résonne comme une satire de notre époque. On sent immédiatement qu’il s’agit d’un spectacle qui parle à tout le monde, percutant, drôle et lucide.

La mise en scène s’impose comme un tourbillon maîtrisé. Le plateau devient un espace mouvant, sans cesse réinventé, où la scénographie colorée joue avec les symboles de la culture française. Les transitions avec des panneaux mobiles, fluides, s’appuient sur une gestuelle précise et un tempo impeccable. Chaque tableau, soutenu par une lumière nerveuse et des choix musicaux audacieux, compose un portrait drôle et parfois tendre d’un pays qui se regarde dans le miroir avec une ironie désarmante. La direction d’acteurs est millimétrée. En un rien de temps, ils se parent d’un objet et change de personnage. On peut se demander comment représenter un ouvrier? Un casque et une veste bleu suffisent? Soulignons qu’ils sont 5 sur scène pour être aussi bien l’ouvrier, le repreneur, la ministre, le président… Bertrand Saunier, Thomas Rio, Valérie Moinet, Samuel Valensi⁠ et June Assal débordent d’énergie et mettent de la sincérité. On ne peut que saluer leur performance. Ils brillent par leur générosité, leur sens du rythme et leur complicité palpable. L’inclusion d’une batterie en live donne aussi du contraste et du rythme. On rit souvent, on réfléchit parfois, on sort toujours secoué.

Le texte, d’une écriture vive et mordante, s’attaque avec humour aux contradictions françaises avec l’identité, la mémoire, la fierté, la peur du déclin… Le propos ne se contente pas d’amuser, il interroge, bouscule et renverse les certitudes. La force de cette pièce est d’avoir choisi la structure d’une comédie grand public et d’y poser des problématiques graves. Il est utile de mettre de la légèreté dans un sujet grave qui parle à tous. Ainsi on peut rire de tout, sans jamais tomber dans la facilité ou la caricature. L’ensemble des parties prenantes sont bien présentes avec les politiques, les ouvriers, l’univers carcéral… « Trahir ça fait partir de la politique. » Les répliques sont affûtées comme des lames, et l’intelligence du rythme fait mouche à chaque tirade. « L’état soutient un projet avec des mots! ». Les personnages, archétypes d’une France plurielle, deviennent les miroirs d’un pays qui doute et s’interroge sur ce qu’il est. Il tend un miroir dans lequel plus d’un peuvent s’interroger car le monde du travail concerne presque tout le monde. « Je n’ai jamais voulu de ce plan social. » La course à la performance et non à la robustesse touche aussi d’autres domaine que l’usine. C’est aussi cela que sert le personnage du prisonnier qui veut se réinsérer. Le texte évite l’écueil du jugement et invite à se poser des questions, dénoncer les hypocrisies (‘ »On n’est pas là pour trouver des coupables »), tout en gardant la légèreté d’un grand divertissement.  L’écriture et la mise en scène Samuel Valensi et Paul-Éloi Forget proposent un spectacle complet qui nous fait vraiment réfléchir à cette notion de « Made in France ». Bien souvent, à la suite de la représentation, on peut assister un débat sur le travail avec des personnalités expertes.

Ce qui rend le spectacle si attachant, c’est la sincérité de son regard. Derrière les blagues et les outrances, on perçoit une réelle envie de comprendre notre époque, de faire entendre la voix d’une France diverse, révoltée et lucide. Le rire devient un outil de dialogue, un moyen de réconcilier les différences. On ressort avec la sensation d’avoir assisté à une comédie engagée, qui assume sa folie et sa tendresse.

Où voir le spectacle? 
Au théâtre de la Renaissance à partir du 29 septembre 2025

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