Sur la scène dépouillée, une femme raconte ce que peu osent dire avec la traversée d’un corps meurtri et la résistance d’un cœur qui refuse de céder. L’émotion est immédiate, profonde, d’autant plus qu’elle ne cherche jamais à forcer les larmes. On assiste à un témoignage vibrant, un élan d’humanité rare, un geste d’art et de vie.

Les frottements de coeur est d’abord l’histoire d’un retour à soi. Celle de Katia qui a connu la douleur, l’immobilité, la réanimation et qui a choisi d’en faire une matière de théâtre. Écrire un livre, puis incarner ce texte sur scène, c’est transformer la vulnérabilité en puissance. Katia Ghanty, seule, déploie une présence sidérante en occupant tout l’espace, chaque geste compte, chaque souffle devient signifiant. On la voit renaître, vaciller, s’accrocher, avec une dignité touchante. Les mots, à la fois concrets et poétiques, touchent par leur justesse et leur sobriété. Ce n’est pas un cri, mais une confidence, une onde qui se propage lentement jusqu’à nous. Ce récit personnel devient universel, une ode à la survie et à la lumière qu’on cherche, même dans les zones les plus sombres.

La mise en scène d’Éric Bu, d’une simplicité magistrale, révèle une intelligence rare. Trois rideaux blancs seulement structurent l’espace et pourtant, ils deviennent les battements d’un cœur, les strates de la conscience, les frontières du corps et de l’esprit. Derrière, se cache le regard intérieur de la patiente, son monde intime, celui de la peur, des hallucinations et des souvenirs. Devant, s’étale la réalité froide, clinique, des machines et des gestes médicaux. L’alternance entre ces deux dimensions crée une tension poétique et organique, une respiration scénique captivante. Le choix de ce dépouillement, loin d’être une contrainte, sublime la performance de la comédienne, qui réussit à faire exister mille espaces dans quelques mètres carrés. Cette économie de moyens, prouve que de grands récits peuvent naître du presque rien.

Ce qui bouleverse dans cette interprétation, c’est la sincérité absolue. On ne voit pas une actrice jouer. On voit une femme avoir peur, combattre, douter et revivre. Sa fragilité, sa colère, son humour parfois, composent un portrait d’une vérité rare. L’émotion n’est jamais fabriquée, elle surgit, brute et lumineuse. Dans la salle, un silence respectueux s’installe. On sait que l’on assiste à quelque chose d’authentique, d’essentiel. Surtout qu’elle donne aussi vie à tout le personnel de santé qui l’on aidé à retrouver vie avec plus ou moins de délicatesse. Certains gestes et certaines paroles lui ont apporté réconfort et force. La pièce interroge la résilience sans discours, en actes et rappelle que la scène est encore l’un des rares lieux où l’on peut dire l’indicible avec grâce.

Un spectacle d’une intensité forte et touchante, à la fois pudique et percutant. Une actrice habitée, une mise en scène d’une délicate intelligence et une émotion qui traverse le plateau comme un souffle de vie ainsi que d’espoir. Un moment de théâtre nécessaire, sincère et profondément humain.

Où voir le spectacle? 
Au théâtre des Gémeaux parisiens jusqu’au 20 décembre 2025

Tags: