Christophe Barbier s’empare de la scène avec une ambition folle : raconter 2 500 ans d’histoire du théâtre en 80 minutes. Armé de son écharpe rouge et d’un flot ininterrompu de références, il enchaîne les anecdotes avec l’aisance de l’éditorialiste politique télévisé qu’il est. Mais derrière cette démonstration de savoir, une question se pose : s’agit-il d’un hommage au théâtre ou d’une célébration de lui-même ?
Figure médiatique bien connue pour ses partis pris politiques marqués, Christophe Barbier s’attaque ici à un défi audacieux : résumer l’histoire du théâtre en seulement 80 minutes. Seul en scène, il arpente l’espace avec l’assurance de celui qui se sait attendu, adulé par un public conquis d’avance. Derrière cette performance érudite, une interrogation demeure sur la proposition artistique elle-même. La frontière entre la célébration du théâtre et la démonstration d’autosatisfaction reste bien mince.
Dans la première partie, le comédien évoque l’organisation du théâtre, abordant par exemple le rôle de la claque. Malheureusement, il s’approprie ensuite certaines tirades, tentant de leur donner vie et authenticité, mais sans grand succès. L’exemple le plus troublant est sans doute son interprétation de la tirade finale de Cyrano. Lorsqu’on a assisté aux performances incroyables de Michel Vuillermoz ou Philippe Torreton, la comparaison est cruelle. Ses intonations sans relief variés, affadissent l’ensemble de sa prestation.
Puis, sans véritable transition, la mise en scène bascule. La lumière tamisée éclaire progressivement le public et le spectacle prend une tournure plus professorale. Le comédien propose quelques interactions minutieusement contrôlé, réduisant la prise de risque à néant. Même lorsqu’il invite le public à compléter des phrases cultes du théâtre, il ne fait que flatter l’ego collectif. L’illusion de proximité fonctionne. Très vite, on revient à une leçon descendante où s’enchaînent des anecdotes toujours construites sur la même mécanique verbale. Le texte est dense, parfois trop, donnant davantage l’impression d’un cours magistral que d’un véritable spectacle. Plus orateur qu’acteur, Christophe Barbier ne cherche pas à incarner les figures qu’il évoque, préférant la posture du conférencier brillant et volubile.
Si l’ambition du projet est louable, son exécution laisse perplexe. La mise en scène, réduite au strict minimum, ne parvient pas toujours à dynamiser le propos. On regrette l’absence d’interactions plus sincères avec le public, ainsi que de moments de respiration qui auraient permis d’alléger ce tourbillon de savoir. L’ombre du narcissisme plane sur l’ensemble. Christophe Barbier ne semble pas tant rendre hommage au théâtre que mettre en avant sa propre érudition. D’ailleurs, le théâtre populaire est totalement absent du spectacle. Quant au public, il est en grande partie venu pour voir le Christophe Barbier de la télévision plutôt que pour découvrir une véritable proposition théâtrale. La preuve avec l’objet, écharpe rouge et ces références à des politiques. Ca en fait beaucoup trop.
Le Tour du Théâtre en 80 Minutes est un exercice audacieux qui séduira les amateurs de théâtre curieux d’un voyage « Express » à travers les siècles. Néanmoins, il risque de laisser sur le bord de la route ceux qui espéraient apprendre et ressentir l’essence même de cet art. Christophe Barbier prouve qu’il est un homme de mots, mais pas forcément un homme de théâtre.
Où voir le spectacle?
Au théâtre de Poche jusqu’au 3 mars 2025
75 boulevard du Montparnasse
75014 Paris