Et si le théâtre pouvait à la fois révéler des talents, rassembler des publics que tout oppose et faire vibrer l’engagement sans sacrifier la joie ? Bienvenue au théâtre 13, un lieu où l’exigence artistique rencontre l’ouverture totale. Et où un festival de jeunes metteur.e.s en scène devient un laboratoire d’avenir et de questionnements.
Le théâtre 13, un théâtre de coeur
Le théâtre 13 ne se contente pas de faire vibrer ses planches, il incarne un lieu de réflexion, de transmission, d’engagement. Sous la direction d’un homme, Lucas Bonnifait, dont la trajectoire personnelle est liée à l’histoire même du lieu. « Mon premier souvenir de théâtre, c’est un spectacle au théâtre 13 dans lequel mon père jouait. ». Le lien était donc précoce, évident, presque inévitable. Mais le directeur actuel n’a pas seulement hérité de cette mémoire, il l’a transformée en un projet délibéré d’ouverture, d’inclusion et d’exigence artistique. « Je veux que chaque spectateur puisse se sentir concerné. » Ce théâtre parisien du 13e arrondissement est devenu un modèle de vitalité culturelle contemporaine.
Un théâtre accueillant, vivant et audacieux
Le théâtre 13, c’est avant tout un lieu chaleureux. On y vient pour voir une pièce, certes, et on y revient pour l’ambiance, les rencontres et les découvertes. Installé sur deux sites (Glacière et Bibliothèque), il fait le pont entre deux quartiers et deux publics, avec un même désir : faire du théâtre un espace vivant et accessible. « Le 13e arrondissement apporte quelque chose de très fort. Deux sites très distincts, deux quartiers différents, deux types de publics », explique le directeur. Cette diversité est une force. Elle se retrouve dans les spectacles, dans les halls avant et après les représentations, dans l’énergie palpable qui fait du lieu un vrai carrefour culturel.
Les tarifs sont pensés pour ouvrir les portes au plus grand nombre : 10€00 la place, des cartes d’abonnement accessibles, un travail constant avec les écoles, les associations… Ici, le public est mélangé, curieux et fidèle. « Dans ma volonté, ce n’est surtout pas d’exclure des publics. Bien au contraire. » Côté scène, la promesse est claire : une programmation ouverte, décloisonnée, où se croisent jeunes metteurs en scène, grandes réécritures de classiques, formes hybrides et récits puissants. « L’ouverture à tous les styles de théâtre… pour que le maximum de spectateurs puisse se sentir concerné ». Le bouche-à-oreille fait le reste : +20% de remplissage en une saison.
« Si les sujets concernent les gens, s’ils se sentent représentés au plateau, alors ils viennent. »
Il rêve d’aller plus loin en coopérant avec la petite couronne, développer des ponts avec les banlieues, faire parler toutes les langues du territoire. La saison 2024/2025 est encore plus audacieuse et pour s’en rendre compte, il faut franchir les portes.
Le Prix T13 : six jeunes compagnies, une grande scène
S’il y a un joyau dans la programmation du théâtre 13, c’est bien son festival de mise en scène, le Prix T13. Créé il y a 20 ans, il a été repensé pour devenir un vrai tremplin. Aujourd’hui, c’est un rendez-vous très attendu, autant par les jeunes artistes que par le public. « Ce qui me tient à cœur, c’est d’accompagner, de soutenir, de défendre concrètement les jeunes artistes. »
Chaque année :
-une centaine de candidatures,
– 6 projets retenus,
– deux semaines de résidence,
– accompagnement technique,
– communication, conseils,
– programmation en juin,
– reprogrammation en automne et une production pour le lauréat.
Le prix du jury permet au gagnant d’avoir : – deux semaines d’exploitation au théâtre 13 Glacière en première partie de saison 2025/2026, apport en coproduction de 3 000 € HT (Théâtre 13), de 5 000€ (SACD), – une représentation à la Maison du Théâtre et de la Danse d’Epinay-sur-Seine et une représentation au théâtre Victor Hugo de Bagneux.
Cette année marque une évolution forte : pour la première fois, il n’y aura pas de lauréat unique. Le directeur a souhaité rompre avec la logique de compétition : « Le prix du public reste, mais il n’y a plus de gagnant unique. Tous les projets seront reprogrammés à l’automne. » Ce choix, assumé, reflète l’esprit du théâtre 13 : donner sa chance à chacun, mettre en avant la richesse de la création sans les hiérarchiser. Une manière concrète de transformer le festival en un dispositif de valorisation collective.
Le festival donne naissance à des spectacles marquants comme « 4211 », « Kermesse » ou encore des créations qui tournent aujourd’hui dans toute la France. « Le prix est devenu un vrai dispositif. Il donne à voir l’énergie de toute une génération. » nous rappelle le directeur.
Que peut-on y voir pendant le festival ? Six univers, six voix fortes
·Hchouma Blues : « un monologue percutant sur la fracture sociale et identitaire d’un étudiant issu de quartier populaire dont l’ami devient policier. Une pièce sur l’amitié, la violence et le déclassement. » nous dit avec enthousiasme le directeur.
Présentation : Moha déteste se taper la honte. Pour sa première année à la fac, son défi, c’est d’arriver premier aux partiels. Quand un adolescent du quartier voisin est tué par un policier, une vague de protestation menace d’annuler les examens et les habitant-e-s de son quartier grondent leur colère. Tiraillé par des injonctions multiples, Moha va zigzaguer pour trouver sa place dans tout ça. Afin d’écrire cette fiction, vingt ans après la mort de Zyed Benna et Bouna Traoré et les premières révoltes des quartiers populaires, l’auteur a mené des entretiens avec des chercheurs en sciences sociales, des policiers et des avocats spécialisés dans les violences policières.
Présentation : Tout commence par un détail, une broutille : l’un des ami·es a un panaris au doigt, et cela suscite une réaction chez chacun·e d’elles et eux. Mais tout de suite, l’impasse : comment notre milieu d’origine nous conditionne, jusque dans nos réactions les plus spontanées, les plus anodines en apparence ? Sommes-nous condamné·es à garder les goûts et les ambitions de notre classe sociale ou bien sommes-nous tous des transfuges, qui vivent entre deux mondes.
Scélérates : « un spectacle rare sur la place des femmes dans le monde de la voile, entre mémoire et engagement. » selon le directeur.
Présentation : Cependant comme aucun homme ne voudra embarquer avec elle pour capitaine, elle s’entoure de trois autres femmes, de fait, singulières. Ce huis clos sur l’eau offre à chacune des perspectives nouvelles. Car les voilà, inexpérimentées au milieu des flots. Chacune d’elle se révèle à l’aune de ce récit, de ses périls, de cette cohabitation. Cette aventure en vase clos aurait sans doute suffit à creuser en elles un significatif abîme – car la mer met en exergue ce qui sommeille en chacun – mais c’était sans compter sur cet univers sous-marin, ses mystères, ses monstres et ses tempêtes. Nous allons donc suivre ces quatre femmes, quitter Portsmouth, traverser l’atlantique, les mers australes, mais aussi leurs insomnies, leurs terreurs et leur courage.
Loges : « Une plongée visuelle et burlesque dans les coulisses d’une représentation, où le drame shakespearien devient prétexte à une fresque humaine et drôle. »
Présentation : Le spectacle avance. Des voix, des sons et des fragments sont perceptibles. On imagine par le négatif. Puis l’ombre gagne les corps : angoisse, joie, fatigue, espoir. Le lieu, véritable protagoniste, se fait l’écho des consciences. Chaque geste – maquillage, costume, retour en scène – dans sa lutte pour conjurer le vide qui guette, semble repousser la fin. La scène contamine, l’intime devient représentation. Peu à peu, pensées, rêves et silences affleurent. Un théâtre de l’entre-deux émerge, où l’invisible prend toute la place. Et si ces loges étaient un chant du cygne ? Le dernier sursaut d’un art menacé, qui résiste encore. Un art qui est partout, dès lors qu’un regard existe. La pièce devient une réflexion sur l’artiste, un hommage aux mains de l’ombre, à ce qu’elles échafaudent secrètement, à l’attente, entre quotidien et sacré, où chaque préparation, même la plus banale, a son dénouement tragique. Et toujours cette question : pour qui fait-on tout cela ?
Présentation : D’abord un cercle de parole, où l’intime affleure. Puis une pièce de boulevard poussiéreuse et grinçante, qui s’enraye peu à peu jusqu’à l’implosion. Et enfin, le vide : un espace suspendu, habité par d’étranges figures attendant le début d’un spectacle qui ne commencera jamais. Conçu comme une déambulation onirique, ce projet rend hommage à la fois au théâtre et à l’univers de David Lynch, plongeant peu à peu dans une quête de sens veine et absurde.
Trop beau pour y voir : « Un texte coup de poing sur l’empoisonnement des sols en Guadeloupe, entre flash-back politiques et drame intime. »
Présentation : Ce pesticide est utilisé alors même qu’il est interdit aux États-Unis dès 1975, et classé comme cancérigène probable par l’OMS depuis 1979. On suit la famille de Lyne, une ouvrière agricole guadeloupéenne, qui se rassemble pour la veillée funéraire et l’enterrement de Josuah, le fils de Lyne, mort d’un cancer de la prostate. Différents tableaux se tissent en parallèle, mythiques, inventés ou historiques, pour explorer depuis Adam et Eve les choix collectifs faits par rapport à l’agriculture et aux pesticides, et qui nous ont menés ici. À cet enterrement. Cette pièce de théâtre à la fois documentaire et décalée, met en scène une grande fresque baroque et créole, du jardin d’Eden à l’Élysée, mêlant personnages historiques et fictionnels, avec humour et gravité.
« Ce sont de vraies créations, avec du temps, du soin, du sens. »
Ce qui fait la force du théâtre 13 ? Une équipe qui croit en ce qu’elle fait, un directeur qui garde le cap et un public qui revient. « Le théâtre doit être un lieu joyeux, accessible, vivant, et en même temps exigeant. C’est cette ligne que je défends. » Le théâtre 13, ce n’est pas qu’un théâtre : c’est un endroit où l’on vit, où l’on pense, où l’on partage.
Théâtre 13/ Bibliothèque 30 rue du Chevaleret, Paris 13
Théâtre 13/ Glacière103A bd Auguste-Blanqui, Paris 13