Sous les dorures du théâtre classique, une comédie de caractère s’offre une cure de jouvence surprenante. Les rires se font entendre, les jeux de mots virevoltent et l’énergie du plateau emporte le public dans un tourbillon de quiproquos. On redécouvre le goût du verbe, l’art de la répartie et le plaisir des illusions d’un autre temps.
Écrite en 1644, cette comédie de Pierre Corneille surgit à une époque charnière où la France découvre la comédie d’intrigue inspirée de l’Italie et du modèle espagnol. Loin de ses tragédies austères, l’auteur s’amuse des apparences et des masques sociaux, donnant naissance à Dorante, un menteur dandy, subtile et insupportable. Le spectacle joue habilement de ce contraste entre tradition et modernité et pousse le contexte de la farce. Le texte garde sa finesse d’origine tandis que la mise en scène de Marianne Clévy injecte une pointe de modernité et un rythme très actuel. Les comédiens se jettent dans cette partition avec une énergie communicative. Alexandre Bierry campe un Dorante plein de panache. Benjamin Boyer en valet Cliton déborde d’humour et d’esprit. On aimerait d’ailleurs qu’il prenne plus de place car on en sent le potentiel. Arthur Guézennec incarne un Alcippe léger et peu téméraire. Marion Lahmer et Maud Forget prêtent à leurs rôles féminins une vitalité piquante et un charme délicat. L’ensemble respire le plaisir du jeu et la complicité entre comédiens.
La proposition scénique surprend par sa liberté, oscillant entre respect du texte et modernité assumée. Marianne Clévy prend le parti d’inscrire la pièce dans un univers visuel vif, presque pop, où la lumière, la gestuelle et la diction jouent sur les ruptures. L’audace est réelle et donne au spectacle un souffle joyeux, parfois un peu bavard. Quinze à vingt minutes de moins auraient permis de conserver la même intensité sans perdre en profondeur. Quelques références musicales contemporaines entre Poulenc, Barbara, “Y’a d’la joie” apparaissent comme des clins d’œil charmants, quoique inégaux dans leur intégration. On aurait aimé un esprit de farce jusqu’au-boutiste, plus tranché, plus délirant et plus sur l’ensemble du spectacle. Est-ce que tout le monde s’aperçoit de ces assertions? Malgré cela, le spectacle garde cohérence et témoigne d’un amour sincère du théâtre, celui qui cherche à relier les époques plutôt qu’à les opposer.
Ce spectacle a le grand mérite de redonner à Pierre Corneille une vivacité que les manuels scolaires oublient souvent. Le rythme, les situations, les échanges et l’énergie des interprètes font redécouvrir un auteur drôle, humain, plein d’esprit. Pour les scolaires et les curieux, cette adaptation offre une porte d’entrée accessible et inventive dans l’univers du XVIIe siècle. Elle prouve que le théâtre classique n’est pas figé, qu’il peut encore séduire par sa fantaisie et sa finesse. En plus, cela change beaucoup de l’imaginaire lié aux réseaux sociaux. Surtout que le scène du Poche est assez petite et qu’il faut de l’ingéniosité pour donner vie avec des panneaux mobile, quelques rideaux qui se soulèvent et des costumes d’époque. Entre rigueur et liberté, cette comédie s’impose comme un moment qui rappelle que le mensonge, parfois, peut être un merveilleux moteur de vérité. Pour le consentement, il faudra peut-être en rediscuter un peu. « Un baiser, cela n’engage à rien. »
Une mise en scène vive, des acteurs dynamiques et un texte savoureux. La comédie de Corneille retrouve ici toute sa jeunesse et offre un regard moderne sur un auteur d’une autre époque. Quelques coupes et un brin de folie supplémentaire auraient rendu l’ensemble parfait, mais le charme opère tout de même. Un spectacle intelligent, audacieux et idéal pour (re)découvrir le plaisir du théâtre classique.
Où voir le spectacle?
Au théâtre de Poche jusqu’au dimanche 23 novembre 2025