Un souffle d’émotion rare traverse cette création qui aborde la filiation comme une énigme brûlante. Chaque mot ouvre une brèche vers l’intime, comme si le passé revenait frapper à la porte du présent avec une urgence bouleversante. La scène devient alors un lieu de révélation où les vies se rencontrent, s’entrechoquent et se réparent.

La force du spectacle réside dans la vibrante humanité qui irrigue son récit. Eva, adolescente en colère, porte le tumulte d’une vie dont elle cherche encore les fondements. Maëlis Adalle incarne cette fureur blessée avec une justesse bouleversante, jusqu’à laisser les larmes éclater au grand jour. La découverte des cassettes ouvre un champ de mémoire où la voix maternelle devient guide, témoin et révélation. La parole enregistrée offre une plongée dans la trajectoire fascinante d’une journaliste de guerre prête à embrasser le chaos pour raconter l’Histoire. Les émotions surgissent dans une succession de déflagrations intérieures et la jeune fille avance, vacillante, vers cette femme qu’elle croyait inaccessible.

Autour d’elle, Magali Genoud et Azeddine Benamara composent une galerie de figures d’une grande richesse artistique. Leur capacité à se métamorphoser donne au spectacle une fluidité saisissante, comme si chaque personnage rencontrait Eva pour mieux éclairer un pan de son existence et de ses forces. Les voix se modulèrent, les corps s’inclinèrent, les présences se déployèrent avec une maîtrise impressionnante. L’énergie d’Azeddine Benamara traverse le plateau et confère une densité rare aux scènes qu’il traverse, tandis que Magali Genoud apporte nuance, tendresse et intensité. Ensemble, ils forment un trio d’une cohésion exemplaire, qui capte le spectateur par sa sincérité et son investissement total. L’écriture d’Aïda Asgharzadeh créée un pont entre deux destins, et chaque phrase semble sculpter une vérité profondément humaine. Sans omettre de parler de politique avec par exemple la guerre du Liban, le discours de Yasser Arafat à l’ONU, la chute du mur de Berlin… et des rôles des journalistes.

La mise en espace de Nikola Carton offre un écrin parfaitement pensé pour accueillir cette narration sensible. Quelques éléments très simples comme des chaises, des objets du quotidien, une structure de bois qui deviennent matière à invention et prolongement symbolique du récit. Les transformations successives des accessoires créent un langage visuel subtil, où chaque geste dévoile un nouvel écho entre la mère et la fille. Le sac, tour à tour bagage, arme d’exutoire ou témoin d’une absence, devient un élément dramaturgique magnifique. Les lumières et la création sonore renforcent ce tissage délicat entre poésie, réalité et accompagnent avec douceur la montée progressive de l’émotion. « Le dernier cèdre du Liban » parvient ainsi à unir justesse, esthétique et puissance narrative dans une harmonie rare. On ressort touché et ému de cette histoire incroyable qui reste toujours contemporaine.

Ce spectacle laisse une empreinte profonde, comme une pulsation qui continue de résonner longtemps après la dernière réplique. On en sort ébloui par la force du récit, la précision du jeu et la beauté de cette quête intime. Une création singulière, qui ose toucher au cœur tout en faisant réfléchir.

Où voir le spectacle? 
Au théâtre de l’Oeuvre jusqu’au 3 avril 2026

Tags: