Le corps dit parfois ce qu’aucun langage ne parvient à formuler. Le chant déploie alors ce qui brûle, se fissure ou renaît dans le silence. La scène devient un territoire où les émotions apprennent à circuler autrement, comme une nécessité vitale.

Quatre femmes puissantes, deux musiciens inspirés, une chanteuse habitée, Ana Brenes et un chorégraphe incandescent composent une traversée sensible où le flamenco dialogue ouvertement avec la danse contemporaine. Rubén Molina conçoit ce voyage comme une échappée, une ouverture vers l’inconnu, une manière d’offrir une voix à celles et ceux que l’histoire a trop souvent relégués dans l’ombre. Chaque geste porte un souvenir, chaque souffle une lutte, chaque appel un espoir qui refuse de s’éteindre. La scène s’emplit d’une énergie farouche, presque tellurique, où les corps racontent l’exil, la résistance et l’émancipation. L’ensemble crée une dramaturgie physique qui bouleverse autant qu’elle interpelle, sans détour ni pose.

La puissance des chants, véritables colonnes vertébrales de cette œuvre. Les voix parlent de douleur, de pauvreté, d’injustice, de femmes tout en célébrant la capacité humaine à survivre et à transmettre. Les musiciens soutiennent cette effervescence avec une précision organique. La danse surgit alors comme un cri libérateur, un appel à se dépouiller du superflu, à se tenir debout malgré les failles et les blessures. Ce n’est plus seulement une performance, c’est un acte de partage qui demande au public d’écouter autrement. Paloma Lopéz, Caroline Pastor, Araceli Molina et Lori la Armenia, extraordinaires d’engagement, semblent danser à la fois pour elles, pour leurs ancêtres, pour celles et ceux qui cherchent encore leur issue. Rubén Molina, d’une présence et d’un charme magnétique, sait aussi très bien se mettre en scène et se valoriser autant son corps que son talent. Ce spectacle interroge aussi bien sa capacité à sortir d’une oppression, sortir du silence que de célébrer la puissance de l’art pour transformer l’obscurité en mouvement.

La beauté devient alors un refuge, la danse une révolte et la scène un souffle nécessaire pour dire, dénoncer et espérer.

 

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