La Scala accueille une version étincelante de La Leçon d’Eugène Ionesco, revisitée par Marie‑Claude Pietragalla et Julien Derouault. En mêlant danse contemporaine et théâtre, le spectacle installe une atmosphère à la fois troublante et envoûtante dès les premières minutes. C’est un condensé d’absurde, de puissance scénique et d’émotion qui captive et déstabilise.
Ce que propose La Leçon est une véritable réadaptation du texte d’Ionesco. Elle n’est pas seulement jouée, elle est incarné par une bande de danseurs passionnés. Les mots deviennent mouvement et les gestes traduisent l’emprise du langage sur les corps. Ce qui n’empêche nullement à la parole d’avoir sa place. Les chorégraphies, mêlent classique, contemporain et hip‑hop, mettant en lumière la mécanique du pouvoir et la violence de l’enseignement avec une puissance tragique, mais aussi très esthétique. Ce mélange favorise l’intergénérationnel qui se constate dans la salle.
La scénographie orchestré par Christophe Rendu, associés aux éclairages précis d’Alexis David, créent un espace à la géométrie rigide, presque clinique, qui accentue la montée de la tension. Seule touche de couleur dans cet univers monochrome : la cravate rouge des élèves, symbole vibrant d’une vitalité menacée et verte pour l’enseignant. Sans omettre le fard blanc avec du rouge aux joues sur les visages, accentuant leurs expressions et la folie présente.
Le professeur obsessionnel et Solène Messina‑Ernaux en responsable d’école incarnent avec intensité les dynamiques autoritaires et la fragilité humaine. Autour d’eux, les danseurs‑choristes agissent comme un chœur antique, commentant et soulignant l’escalade vers l’absurde, tout en préservant une énergie collective vibrante et homogène. Julien Derouault attire le regard grâce à son incroyable charisme et sa très grande maîtrise de la danse. On sent ce savoir-faire dans chaque geste. Le temps s’envole et on reste à leurs côtés jusqu’au moment fatal.
La Leçon est une prouesse scénique, où danse et texte s’unissent pour réactiver l’œuvre d’Eugène Ionesco avec une ferveur contemporaine. Le spectacle capte, interroge, bouleverse et se révèle être une expérience esthétique et émotionnelle rare. Un moment de danse théâtre puissant, dérangeant et profondément mémorable.