Deux personnalités sur scène donne à se voir en attendant que le spectacle débute. Le plateau est dépouillé, la parole posée et parfois trop engagée, la présence imposante malgré la fragilité. L’expérience repose surtout à l’écoute attentive d’une actrice légendaire face aux mots d’un chroniqueur populaire.
Le spectacle s’ouvre sur une intention louable : faire entendre Apollinaire, sa modernité, ses fulgurances et ses amours. Judith Magre, 98 ans, incarne avec courage cette transmission, offrant sa diction lente, peu habité mais toujours enthousiaste. Son âge imprime une gravité particulière aux textes, une fragilité qui peut toucher. Le titre du spectacle est bien « dit Apollinaire » et ce verbe est très approprié. Le timbre voilé traduit une longue et incroyable histoire de théâtre et de vie. Et ce vécu donne parfois un relief inattendu. La mise en espace, minimaliste, cherche à mettre en valeur cette voix, sans l’entourer de distractions inutiles. Malgré son âge, la comédienne rayonne toujours de beauté avec son trait noir sous les yeux, son teint blanc et son rouge à lèvres rouge intense. La lumière éclaire parfois ses sourires complices à son partenaire de scène où l’on voit son regard pétillé.
Éric Naulleau, est là pour donner à connaître le poète. Il parsème dans la soirée, des informations sur sa vie romanesque, ses inspirations, ses rencontres. Le fait de ne pas choisir un angle chronologique permet d’insuffler de la dynamique. On pourrait dire qu’il installe un contrepoint à la lecture d’extraits. Parfois, la légère critique de société dérape à devenir des paroles totalement déplacés. Le seul réflexe vient de se dire que c’est un vieux cons avec un pointe de colère. Bien que cela fasse sourire certains habitué du lieu, cela en agace d’autres. Par exemple, le commentaires qui critiquent les jeunes qui préfèrent les terrasses des bars que venir l’écouter n’ont aucune culture ou les jeunes vulgaires qui n’ont aucun vocabulaire contrairement à Apollinaire dont ils devraient s’inspirer, énervent. Sans oublié, le pompon du snobisme intellectuelle, la « défaite de la musique » avec ces individus qui mettent des enceintes dans la rue et qui ne respectent pas la vraie musique. Par chance, lui peut écouter du Poulenc tranquillement chez lui, dans sa maison, la vraie et seule musique. Une vision élitiste et méprisante de la société qui n’avait nullement sa place dans ce spectacle. C’est irrespectueux bien que cela a fait écho à plus d’une spectatrice. De ce fait, cela décrédibilise totalement le reste et l’image d’un vieux cons intellos restent. Le titre du spectacle n’est pas « Naulleau fait son show accompagné de lectures de Judith Magre ». Il ne reste qu’une profonde déception. Toutefois, si ces idées se raccordent aux vôtres, vous serez totalement conquis.
On a pu croire au début qu’on allait nous proposer une célébration vibrante à Apollinaire. La sincérité de Judith Magre mérite le respect, même si l’âge impose ses limites. Eric Naulleau a oublié que le spectacle n’était pas autour de sa méprise sociale et ces incursions qui se veulent caustiques gâchent tout. Dommage.