Un adolescent découvre le théâtre le jour où il pense s’y ennuyer à mourir. Un second surgissement bouleverse sa vie à 15 ans, lorsqu’un diagnostic de diabète insulino-dépendant le plonge dans une réalité aussi brutale qu’incontrôlable. Entre ces deux moments charnières, Insuline & Magnolia prend corps, et Stanislas Roquette en fait un chef-d’œuvre intime, poétique et vital.
Tout commence à l’adolescence par un malaise, une piqûre et une rencontre. D’un côté, la douleur de devoir vivre désormais sous contrôle permanent interroge, bouleverse et inquiète. De l’autre, Fleur, jeune fille étrange et lumineuse qui dit Magnolia avec un geste délicat au lieu de Merci. Elle parle latin, cite Verlaine et aime marcher pieds nus. Elle insuffle à l’adolescent mélancolique l’envie de vivre, de lire, d’aimer, de créer, de se dépasser… Cette demoiselle devient l’origine de son feu intérieur, la première voix à résonner en lui plus fort que le silence de la maladie avec ces contraintes.
C’est cette histoire-là que Stanislas Roquette vient nous raconter, seul sur scène, avec une tendresse grave, un humour discret et un émerveillement intact. Insuline & Magnolia est un récit autobiographique mis en scène comme une traversée : traversée de l’adolescence, de la maladie, du deuil et de la poésie. Chaque mot prononcé est chargé d’un sens nouveau, vécu, porté par une énergie incandescente et par un amour profond de la langue. « Est-ce qu’à la place du sucre, tu peux me donner le sel de la vie? ». Le comédien emporte tous les spectateurs dans sa belle aventure.
Le talentueux comédien incarne tour à tour lui-même, Fleur, un médecin maladroit, une professeure de lettres ou un prêtre slameur, avec une agilité presque féline. On passe du rire à l’émotion sans jamais basculer dans le pathos. C’est permis grâce à la collaboration réalisé avec Alexis Leprince, dramaturge. Le texte est ciselé, léger, vibrant. Il est nourri de correspondances, de souvenirs, de lettres échangées avec Fleur, partie explorer le monde alors qu’il, resté en France, où il explore son propre dedans.
Sur le plateau presque nu, accompagné par la flûte, le piano et les cordes délicates de Christian Girardot, Stanislas Roquette crée un cocon suspendu, un théâtre de l’intime où la maladie devient fable, où la douleur se métamorphose en désir de vivre. C’est le pouvoir doux et tenace de la poésie qui irrigue ce spectacle, comme une deuxième insuline, un antidote à la peur, à l’oubli et à la banalité. Il y a dans ce spectacle une sincérité bouleversante et un charme un peu désuet, comme une lettre d’amour écrite à l’encre violette à une époque où l’on ne prend plus le temps de dire « je t’aime » autrement qu’en emoji. Insuline & Magnolia, c’est aussi cela : un hymne à la lenteur, à la délicatesse, à l’audace, à une jeunesse qui croyait encore aux vers de Victor Hugo et à la magie d’un mot bien placé ou sans adverbe.
Dans un monde qui va vite, où tout semble devoir être cynique ou spectaculaire, ce seul en scène autobiographique propose un temps suspendu, une ode à la beauté fragile, au pouvoir des livres, des rencontres, des blessures transcendées. Il nous rappelle que l’art ne sauve pas toujours, mais qu’il peut éclairer, consoler, relier et nous changer.
Où voir le spectacle?
Au théâtre de la Reine Blanche jusqu’au 4 mai 2025